Paris avant-après, de Patrice de Moncan
De livre en livre, Patrice de Moncan, historien et éditeur passionné, retrace la généalogie d'une ville qu'il connait mieux que personne. «Les passages couverts de Paris» et le «Paris d'Haussmann » faisaient revivre une capitale phare de l'Europe. Avec «Paris Avant/ Après » (Editions du Mécène), l'auteur met ses pas dans ceux du photographe Charles Marville chargé, de 1865 à 1868, de réaliser une série de clichés montrant une cité malade, aux masures et aux rues vouées à la destruction.
A la veille de l'Exposition Universelle de 1878, Marville fixera sur ses plaques les larges perspectives, les monuments nouveaux, les jardins créés par Haussmann, sous le second Empire. L'originalité du livre ? Elle tient à la confrontation, saisissante, des vues de Marville (la plupart proviennent de fonds privés) avec celles prises, au même endroit et sous le même angle, un siècle et demi plus tard, par l'équipe du studio Traktir.
Si une centaine de photographies n'ont pu être faites tant la transformation de certains quartiers est radicale, le Paris contemporain apparait, souvent, très haussmannien.
"Quand, en 1852, Napoléon III nomme Georges- Eugène Haussmann préfet de la Seine» rappelle l'historien "la capitale est au bord de l'asphyxie. Elle a subi en moins de soixante dix ans trois révolutions, deux invasions étrangères et plusieurs épidémies dont celle, terrifiante, du choléra. 70% de la population s'y entasse dans des logements insalubres. En plein centre, pullulent ruelles sordides et zones de non- droit. Les quartiers industriels et périphériques ne valent guère mieux."
Avec les travaux engagés par Haussmann, 34.000 immeubles sont construits, bordant 200 kilomètres de voies et l'on plante 600.000 arbres. Les Bois de Boulogne et de Vincennes, les parcs Monceau et Montsouris, les Buttes Chaumont, 27 squares accueillent les Parisiens. L'air, la lumière, la verdure entrent enfin dans la capitale !
Napoléon III et son préfet sont vraiment nos premiers écolos. Cet immense bouleversement n'ira pas sans critiques féroces : Haussmann est accusé d'éventrer Paris pour s'enrichir. Grand admirateur du célèbre baron dont il a réédité les Mémoires, Patrice de Moncan fulmine contre Jules Ferry : "la défaite de Sedan a démoli l'image de Napoléon III. Mais Ferry, lui, a littéralement flingué le préfet avec son pamphlet paru en 1867, Les comptes fantastiques d'Haussmann". Automobiles et vélibs ont remplacé, sur les photographies en noir et blanc, les charrettes et les calèches des clichés sépia.
« Paris Avant/ Après» nous entraîne, d'arrondissement en arrondissement, place du Carrousel et rue du Doyenné hier un cloaque où vivait Nerval, rue Etienne-Marcel où subsiste la tour féodale de Jean sans Peur, aux abords de l'Hôtel-Dieu déplacé et reconstruit prés de Notre-Dame, boulevard Saint-Germain où rien n'a changé depuis le XIXème siècle sinon la taille de arbres plantés par Haussmann et jusque sur les anciens « fortifs»,à l'aplomb du Pré Saint- Gervais, à l'emplacement de ce qui est aujourd'hui le square de la Butte du Chapeau Rouge.
Un livre que les promeneurs curieux savoureront lentement. Pour mieux comprendre une formidable métamorphose.
Marianne Lohse
« Paris Avant/Après» par Patrice de Moncan
Les Editions du Mécène. 456 p. 45€.
