Evoquer les Templiers revient souvent à réveiller la légende d'un bien mystérieux trésor. C'est vrai que les chevaliers du Temple ont toujours exercé une véritable fascination. Jamais un ordre militaire et religieux n'aura fait couler autant d'encre. Il est vrai que l'Ordre était puissant et riche, détenait d'importants privilèges et ne rendait compte qu'au Vatican. Le supposé secret des Templiers ainsi que leur fin tragique voulue par Philippe Le Bel n'ont fait que renforcer la légende. Et si le plus authentique des trésors était ce patrimoine inestimable que nous ont légués ces mystérieux moines soldats ? C'est ce que nous montre une exposition à Troyes, dans l'Aube, pays d'Hugues de Payns, fondateur de l'Ordre du Temple. Sept cents ans après la dissolution de l'Ordre en 1312, c'est une belle façon de leur rendre hommage.
Reportage : texte et photos : Claire Vuillemin ©
En cette saison estivale et plus que jamais, la ville de Troyes vit au rythme des Templiers... Au coeur du "bouchon de Champagne" que forme le centre historique de la ville, l'Hôtel Dieu abrite l'exposition "Templiers. Une histoire, notre trésor". L'exposition connait un franc succès puisqu'elle vient de dépasser le cap des 20 000 visiteurs en deux mois ! Autour de l'Hôtel Dieu, non loin de la cathédrale, les librairies elles aussi marchent dans les pas des Templiers... Leurs vitrines abondent d'ouvrages sur le sujet. Et vous croiserez peut-être aussi au coin d'une rue un enfant portant fièrement l'immaculé blanc manteau marqué de la croix vermeille... En marge de l'exposition en effet, de nombreux événements dont des ateliers pour enfants, se déroulent jusqu'au 31 octobre. De quoi sensibiliser petits et grands.
Une des entrées de l'Hôtel Dieu à Troyes
L'intitulé de l'exposition donne le ton. Il s'agit bien d'une histoire dans l'Histoire. Il s'agit bien de notre trésor, à tous. Même si le supposé trésor des Templiers n'est pas encore mis en lumière (le sera-t-il un jour ?), le nombre de citadelles et commanderies templières et hospitalières est à lui seul un trésor inestimable. En effet, à l'orée du XIVe siècle, c'est par centaines que les Templiers comptent leurs possessions en royaume de France : châteaux, domaines, chapelles, commanderies, maisons de ville... A la tête de cet empire couvrant toute l'Europe : l'enclos du Temple à Paris qui, lui, n'est malheureusement plus qu'un souvenir.
Au départ, Godefroi de Saint-Omer et Hugues de Payns, tout deux chevaliers, réunissent autour d'eux quelques hommes qu'ils appellent les "Pauvres Chevaliers du Christ" pour protéger les croisés sur les routes de la Terre Sainte. Assurer la sécurité sur les routes vers Jérusalem et surveiller les lieux saints, voilà la base de ce nouvel ordre créé en 1118 et officialisé en 1129 lors du Concile de Troyes réuni par le pape et Bernard de Clairvaux.
Pour être adoubé, le chevalier doit prononcer les trois voeux monastiques de chasteté, pauvreté et obéissance ainsi que les voeux de chevalerie. Il donne à l'ordre tous ses biens personnels. Si les chevaliers ne doivent rien posséder en propre, l'ordre, lui, accumule en deux cents ans des richesses et une puissance stupéfiantes. En effet, les chevaliers vont vite recevoir de leurs contemporains des domaines, de l'argent, des bijoux, des bâtiments, des châteaux, l'usufruit de terres... Aussi étonnant que cela paraisse, partout où ils passent, ces "moines chevaliers" vont être couverts de nombreux cadeaux déclinés en privilèges divers...
Dans l'enceinte de l'exposition
La vraie richesse des Templiers et, après eux, des Hospitaliers, réside avant tout dans leurs terres, leurs forêts, leurs cheptels et leurs différentes récoltes dont ils tirent des revenus substantiels. L'Ordre gère un empire qui dépasse les frontières. Le nombre de possessions recensées est évalué en France de 700 à 3000; en Europe, de 7000 à 10 000. Des chiffres qui comptabilisent toutes catégories de biens : maisons, chapelles, domaines, commanderies, etc. Leur répartition géographique semble privilégier les routes de pèlerinage, les voies commerciales, ainsi que la côte méditerranéenne, tête de pont des départs pour le Moyen-Orient.
Les commanderies, dont les vestiges assez nombreux à travers le territoire permettent de reconstituer le visage, sont à la base des unités d'exploitation agricole. Souvent, la dimension des écuries est impressionnante. Elles soulignent en effet toute l'importance de l'élevage de chevaux à une époque où les chevaliers en partance pour la Terre Sainte ont besoin de robustes et nombreuses montures. En fait, une commanderie est une ferme avec, en plus, un bâtiment essentiel : la chapelle. N'oublions pas que les Templiers sont avant tout des religieux.
La règle de l'ordre du Temple, établie au Concile de Troyes, s'est transmise par un petit nombre de manuscrits. Au cours du XIIe siècle, elle est parfois copiée dans des manuscrits n'appartenant pas à l'Ordre, comme cela semble être le cas de ce manuscrit. Celui-ci est par ailleurs l'unique témoin du sermon d'un certain Hugo Peccator, dans lequel les historiens reconnaissent Hugues de Payns s'adressant aux frères restés à Jérusalem pendant son voyage en Occident.
L'histoire de l'ordre du Temple est étroitement liée à l'histoire de la Champagne. La région est en effet le berceau d'importantes figures de l'Ordre du Temple et des croisades. Hugues de Payns est natif d'un petit village proche de Troyes et c'est donc au Concile de Troyes de 1129 que la règle de l'Ordre fut rédigée et adoptée sous l'égide de Bernard de Clairvaux.
L'exposition "Templiers. Une histoire, notre trésor" a donc toute sa raison d'être dans la ville de Troyes. Pour l'occasion, vous découvrirez des pièces majeures et rarement dévoilées au public. Parmi elles : le rouleau du procès qui restitue sur plus de 20 mètres de parchemin les interrogatoires des Templiers. Ce document précieux et fragile fait l'objet d'un prêt exceptionnel de la part des Archives nationales. Vous pourrez également voir le trésor monétaire de la commanderie de Payns (voir encadré sur le "trésor des templiers") ainsi que les trésors archéologiques de la commanderie d'Avalleur (près de Bar-sur-Seine).
Si les chevaliers ne doivent rien posséder en propre, l'Ordre, lui, accumule en deux cents ans des richesses et une puissance stupéfiantes. Mais la perte de Saint-Jean-d'Acre en 1291 marque la fin des croisades et le retour des Templiers en Occident.
Le 13 octobre 1307 sonne le glas de l'expension templière. Tous les membres de l'Ordre sont arrêtés sur décision de Philippe Le Bel. Emprisonnés et torturés, ils sont accusés aussi bien de collusion avec les infidèles que de blasphème, d'hérésie, de lèse-majesté... Après sept ans de "procès", le dernier maître de l'ordre du Temple, Jacques de Molay, est brûlé le 18 mars 1314 dans l'actuel square du Vert-Galant, à Paris, où une plaque commémore le bûcher. La légende rapporte que Jacques de Molay aurait lancé une malédiction contre le roi Philippe Le Bel et contre le pape Clément V qui, effectivement, moururent tous deux dans l'année.
Après la dissolution de l'ordre du Temple au Concile de Vienne de 1312, nombre de commanderies survivent en passant entre les mains des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ordre également créé lors des croisades et qui deviendra plus tard Ordre de Malte.
Les ateliers pour enfants dans le cadre de l'exposition à Troyes
Au sortir de l'exposition de Troyes, vous aurez peut-être envie, comme moi, de trouver les raisons de l'engouement pour cet ordre en vous plongeant dans des livres ou en allant visiter quelques commanderies qui jalonnent la France... Et pourquoi pas, dans l'espoir de trouver un trésor !
Car l'exposition nous interroge et c'est tant mieux ! Il est un fait que cette puissance financière, spirituelle et guerrière, politiquement autonome, a prouvé maintes fois ses qualités d'arbitre et de conciliateur, aussi bien entre les couronnes de France et d'Angleterre qu'entre les infidèles et les croisés. Mais comment concevoir que ces moines chevaliers aient acquis aussi vite des privilèges aussi exorbitants, eux qui ne doivent rien à personne si ce n'est au pape ? Les Templiers sont-ils chargés d'une mission plus précise, secrète ? Quel est l'inavouable secret pour lequel ils sont morts ?
Rue de la Cité à Troyes : entrée de l'Hôtel Dieu où se tient l'exposition
Le château de Gisors (dans l'Eure)
Qu'en est-il du fameux trésor des Templiers ?
La légende la plus tenace repose sur un supposé trésor localisé au château de Gisors dans l'Eure. Le donjon de Gisors, perché sur sa motte depuis 1124, a longtemps été la convoitise de bon nombre de "chercheurs de trésors"... Entre les années 1950 et 1960, des centaines de personnes ont ainsi arpenté le château de fond en comble... en vain. Le château a même failli s'écrouler tant les piocheurs nocturnes avaient miné son assise. Pourquoi cet attrait ? Le château, objet de dissensions entre les rois de France et d'Angleterre, fut confié quelque temps à la garde neutre de quelques templiers. Une fois leur fonction remplie, ceux-ci se retirèrent. Là où s'arrête l'Histoire commence la légende...
Le seul trésor vraiment connu à ce jour a été découvert en Champagne méridionale, dans le village de Payns, celui du fondateur de l'Ordre (Hugues de Payns). Il existait là une commanderie aujourd'hui complètement disparue mais dont les bases ont été retrouvées en 1998. Au cours de ces fouilles qui mettront à jour les fondations et le dallage multicolore de la chapelle, on découvrit un vrai trésor monétaire. Ce trésor est constitué de plus de sept cents pièces, des deniers d'argent frappés entre le XIIe et XIIIe siècle. Certes, ce trésor est bien modeste au regard d'un mythe qui ne semble pas près de s'éteindre...
Exposition "Templiers. Une histoire, notre trésor"
Du 16 juin au 31 octobre 2012
Hôtel Dieu, rue de la cité. Troyes
Entrée libre. 9h30-19h.
Visite commentée de l'exposition (gratuit) tous les jours à 16h30
Programme des animations :
http://www.aube-templiers-2012.fr
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