Ce qu'il y a d'étonnant quand on entre au Domaine des Collettes à Cagne-sur-mer, c'est l'authenticité du lieu. On a l'impression que l'endroit n'a pas changé depuis son acquisition, en 1907, par Auguste Renoir. Comme si la nature, les objets et la lumière ici attendaient, en vain, le retour du peintre...
Cagnes vue du Domaine des Collettes
Photo : Claire Vuillemin ©
Terrasse à Cagnes, 1905
(c) Bridgestone Museum of Art, Ishibashi Foundation, Tokyo
Auguste Renoir est né en 1841. Il a un peu plus de quarante ans quand le chemin de fer rend la Côte d'Azur soudain plus proche de Paris et de ses environs où il vit. Il se rend donc régulièrement sur la Riviera avec son ami Claude Monet.
Un jour, il découvre Cagnes-sur-mer. Il aime flâner dans cette petite bourgade, plus particulièrement dans la vallée de la Cagne, une rivière où se retrouvent les lavandières... source d'inspiration de la série de ses baigneuses. Combien de fois Renoir est-il venu dans ce vallon observer ces femmes tapant le linge ? Il s'en est imprégné pour compléter les nus réalisés en atelier.
Renoir aime se définir comme "peintre de figures". Il est beaucoup plus sensible à la présence humaine qu'à celle des objets. Nus féminins, portraits et études d'après modèles peints en atelier ou en plein air, entre intimité et grandeur nature...
Au Domaine des Collettes il peut peindre dehors et dedans : dans ce paysage sauvage baigné d'une lumière gris bleu qui le fascine tant et dans son atelier.
Les oliviers multicentenaires du Domaine des Collettes
Photos Claire Vuillemin©
Grâce à l'apparition des couleurs en tube, Auguste Renoir est l'un des premiers artistes, avec Monet et Sisley, à adhérer au principe de la peinture en plein air. Le jeune Auguste devient ainsi l'un des pionniers du mouvement impressionniste. Pour le petit groupe d'artistes, le spectacle de la vie dehors est bien plus passionnant que les compositions classiques d'alors.
Si les premières expositions impressionnistes lui attirent les faveurs de la critique, il ne va connaître une certaine renommée qu'au début du XXème siècle, période à partir de laquelle il s'installe progressivement sur la Côte d'Azur. Renoir est alors tout à la fois salué comme une figure emblématique de l'impressionnisme et admiré pour sa capacité à dépasser et renouveler ce tout nouveau mouvement artistique.
La ferme des Collettes (1915), musée Renoir de Cagnes
Photos Claire Vuillemin©
A Cagnes, la famille Renoir s'installe d'abord en location dans la "Maison de la Poste" qui est aujourd'hui la Mairie de la ville. Même si Cagnes-sur-mer n'est plus la petite bourgade découverte par le peintre il y a un siècle, on peut retrouver les façades colorées des maisons serrées les unes contre les autres immortalisées dans le tableau "Terrasse à Cagnes" par exemple.
Renoir arrive au Domaine des Collettes le 28 juin 1907. Vu du Domaine, le Haut-de-Cagnes, majestueux, est un régal d'inspiration pour le peintre. Le Domaine est planté d'oliviers centenaires. Le peintre veille à préserver la ferme et les vergers tels qu'ils sont. Il ne veut ni allée, ni parterre fleuri. Il souhaite conserver la colline dans son jus campagnard.
Quand Rodin viendra voir Renoir aux Collettes, Mme Renoir lui précisera bien "Ne vous attendez pas à voir ici ce que vous trouvez à Giverny... c'est la nature méditerranéenne à l'état pur !"
Les vignes à Cagnes, 1908, Huile sur toile,
The Brooklyn Museum, New York (c) Brooklyn Museum of Art, New York, USA
On retrouve aujourd'hui le Domaine des Collettes tel que l'artiste l'a laissé. Ce sera sa dernière demeure (il meurt le 2 décembre 1919) avant d'être enterré à Essoyes en Champagne, le village natal de son épouse.
La ville de Cagnes achète le Domaine en 1960. Un an auparavant, Jean Renoir, le deuxième fils du peintre qui est réalisateur, filme "Le déjeuner sur l'herbe" aux Collettes...
L'oeuvre de Renoir est gigantesque : on compte près de 4700 toiles et dessins signés de l'artiste. C'est l'équivalent de l'oeuvre de Manet, Cézanne et Degas réunis !
Jean Renoir a dressé un émouvant portrait de son père dans ce livre publié aux Editions Folio.
Extrait :
"Renoir se défendait avec raison d'être un intellectuel. Pour lui l'expression "art", qu'il lui fallut finalement bien accepter, ("on parle le langage de son temps...") passa de l'abstrait au concret le jour où sa flânerie l'amena devant la Fontaine des Innocents..."
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