A la BnF Richelieu des pièces exceptionnelles pour l'exposition "Révolutions"

La modernisation, la mise en beauté de l'ensemble des bâtiments par les architectes Virginie Brégal et Bruno Gaudin est une réussite. L'entrée se fait désormais rue Vivienne.  On flâne volontiers dans le nouveau jardin baptisé " Hortus papyrifera ". Ce jardin de papier" est peuplé de façon symbolique, d'espèces  servant de supports d'écritures ou d'impression tels le papyrus ou le palmier à chanvre.

Il y  avait dans le projet de rénovation - et c'est plus que jamais vrai - la volonté d'accueillir de plus larges publics, d'offrir une circulation fluide entre les espaces d'exposition et les salles de lecture, entre le Musée et la Bibliothèque.  Avec ce défi pour cette institution plurielle : continuer de protéger des oeuvres infiniment précieuses et fragiles. D'où une nécessaire rotation.

 

Quatre siècles d'histoire

" Le site est un millefeuille architectural " constate la présidente Laurence Engel. Construit en 1632 et acquis par Mazarin en 1643, Bibliothèque du Roi en 1721, (le salon Louis XV qui abrite les collections du monarque est tôt ouvert aux visiteurs), le palais est racheté en 1714 par le banquier John Law. Après sa faillite, en 1720, il devient propriété de la Couronne. Protégé par les Révolutionnaires qui y entassent documents et objets saisis, le " quadrilatère Richelieu " ne cesse de s'agrandir au fil des siècles mais manque toujours cruellement d'espace. D'où l'ouverture, en 1994, dans le 13ème arrondissement d'une BnF bis, inaugurée par François Mitterrand. 

 

 

Escalier Vivienne © Élie Ludwig / BnF

 

La circulation, depuis le hall central où se dresse un spectaculaire escalier hélicoïdal, est conçue de sorte que l'on peut visiter la magnifique Salle de lecture dite Ovale accessible à tous y compris aux enfants et dans la foulée, le Musée ou inversement.

 

Salle Ovale © Guillaume Murat/ BnF

 

Mémoire vivante, le Musée n'est pas une invention récente. " C'est à Richelieu qu'à partir de de 1741 le premier muée public parisien présente deux fois par semaine les collections du Cabinet du Roi " note Gennaro Toscano, conseiller scientifique .

Au programme de cette deuxième année d'ouverture : une exposition passionnante autour du thème des révolutions, ces moments charnières faits de ruptures, d'accélérations, de retours. "L'histoire et la politique, bien sûr mais aussi tous les champs de la connaissance et tous les arts sont convoqués" souligne la présidente de la BnF, Laurence Engel.

 

 

Galerie Mazarin © Mario Ciampi, avec l'aimable autorisation de Guicciardini & Magni architetti, Firenze

 

Dans la somptueuse galerie Mazarin construite par Mansart pour le cardinal qui y installa ses collections, le visiteur est invité à découvrir, sous les plafonds peints par Romanelli et Gismondi un parcours chronologique illustré par des pièces d'exception. Au fil des révolutions scientifiques, politiques, techniques, industrielles, esthétiques ou sociétales, sont confrontés, du XIVème siècle aux année 2000, cartes, manuscrits, objets, photographies, enregistrements visuels et sonores, costumes racontant ces moments-clé.

 

 

 

Recens, et integra orbis descriptio, Oronce Fine. Gravure sur bois, 1534-1536 © BnF, Cartes et plans

 

Ainsi la révolution scientifique est-elle symbolisée par un atlas céleste d'Andréas Cellarius (1661 explorant la théorie héliocentrique de Nicolas Copernic.

Dans les vitrines consacrées à la révolution française des documents fascinants. Un exemplaire de l'Ami du Peuple (13 août 1792) taché du sang de Marat assassiné, en pleine lecture, par Charlotte Corday dans sa baignoire,

 

L'Ami du peuple, Jean-Paul Marat; Journal, 13 août 1792 - Exemplaire taché du sang de Marat © BnF, Manuscrits

 

ou encore le dialogue avec " Les 120 journées de Sodome " écrit par Sade lors de son enfermement à la Bastille.

Trésor national exposé pour la première fois à la BnF, cette œuvre sulfureuse se présente sous forme de feuillets découpés et collés bout à bout pour constituer une bande de 11,88 m facile à rouler. Et à dissimuler.

 

 

Les 120 journées de Sodome, Donatien Alphonse François de Sade. Manuscrit autographe, 1785 © BnF, Arsenal

 

La lutte des femmes pour leurs droits ,témoin ce manuscrit d'Olympe de Gouges, "Le Couvet ou les vœux forcés "(1792), un drame en trois actes, trouve son prolongement avec Nana Power, superbe série de sérigraphies de la féministe Niki de Saint Phalle ou le film iconique de l'actrice Delphine Seyrig et de la réalisatrice Carole Roussopoulos,,SCUM Manifesto (1976)

Le renouveau romantique s'exprime au croisement d'œuvres de Hugo, Goethe,, Delacroix,  Beethoven. Quant aux répercussions sociales de la révolution industrielle, elles se lisent dans les œuvres d'un Zola, tel ce manuscrit de " la Bête Humaine ".

 

La Bête humaine, Émile Zola. Manuscrit, mai 1889 - janvier 1890 © BnF, Manuscrits

 

 

Les dernières vitrines de la galerie font la part belle aux nombreuses révolutions du XXème siècle depuis les œuvres des futuristes ou des surréalistes jusqu'aux révoltes étudiantes et ouvrières de mai 1968.

Sans oublier les manifestes signés des écrivains des causes noire et créole comme Léopold Sédar Senghor ou Aimé Césaire. Décidément, les réserves de la BnF semblent inépuisables.

 

Marianne Lohse

Jusqu'au 15 septembre 2024

BnF Richelieu 5 rue Vivienne

Paris 75002

bnf.fr