Le 23 février 2019, les appartements privés du duc et de la duchesse d'Aumale ouvriront leurs portes après presque deux ans de travaux. Aménagés entre 1845 et 1847 et décorés par Eugène Lami, ces huit salles ont bénéficié d'une restauration fondamentale de leur décor et mobilier. Une occasion inédite, pour les visiteurs, de revivre les fastes de la monarchie de Juillet dont le château de Chantilly abrite les seuls appartements princiers entièrement conservés en France.
La Chambre de la Duchesse avant restauration © Sophie Lloyd
Situés au cœur de la partie la plus ancienne du château de Chantilly, au sein du Petit Château Renaissance bâti à partir de 1557-1558 par l'architecte Jean Bullant pour le compte du connétable Anne de Montmorency, les appartements privés du duc et de la duchesse d'Aumale, appelés aussi Appartements Privés, figurent parmi les espaces les plus chargés en histoire et en émotion du château de Chantilly.
A droite le berceau offert pour la naissance du duc d'Enghien
Au XVIIIe siècle déjà, de fastueux appartements y avaient été aménagés pour le duc et la duchesse de Bourbon. La chambre de la duchesse, transformée par la suite en " salon violet", avait ainsi accueilli la mise au monde du duc d'Enghien, dernier descendant de la dynastie de Bourbon-Condé, fusillé dans les fossés du château de Vincennes en 1804 sur l'ordre de Bonaparte.
Ne demeure de ces appartements que le boudoir attenant ou " Petite Singerie " (par opposition à la "Grande Singerie " qui se trouve au sein des Grands Appartements), peint par Christophe Huet en 1735 et restauré en 2010-2013. C'est donc au rez-de-chaussée du Petit Château, entre cour et étang, qu'Henri d'Orléans, duc d'Aumale, héritier du dernier prince de Condé, confia au soin de l'architecte Victor Dubois et du décorateur Eugène Lami l'installation de ses appartements privés après son mariage avec sa cousine Marie-Caroline-Augusta de Bourbon-Siciles le 25 novembre 1844.
Le gros œuvre du chantier des Appartements Privés fut entamé dès le printemps 1845 et les opérations avancèrent rapidement : les plafonds de la chambre de la duchesse et du salon violet furent achevés à la fin de cette même année. Dubois démissionna en mai 1846, au profit d'Eugène Lami qui eut les mains libres pour faire œuvre totale et contrôler attentivement chaque étape, avec l'aide du tapissier Alexis Ternisien. La pose des tentures fut achevée le 1er janvier 1847 et les derniers meubles furent reçus en mars de la même année. Le couple ducal put prendre possession de ses nouveaux appartements en avril et mai 1847 ; ce fut l'occasion de donner de grandes fêtes où toute l'élite aristocratique du temps fut conviée.
L'un des premiers ensembles éclectiques conservés en France
L'époque romantique plaça l'histoire au cœur de ses préoccupations et de ses aspirations. Les princes de la famille d'Orléans s'y attachèrent tout particulièrement, et notamment le duc d'Aumale, héritier d'un château séculaire où il succédait à de brillantes dynasties, celles des Montmorency et des Bourbon-Condé. Le duc historien prenait, avec la création de ces nouveaux appartements, officiellement possession des lieux et souhaitait s'inscrire dans une trame historique ininterrompue en rendant hommage à ses prédécesseurs.
Cette ambition fut servie par l'inventivité et les recherches d'Eugène Lami qui fit parfois preuve d'un véritable souci archéologique et historique, reconstituant le pavement du portrait d'Henri IV par Pourbus (musée du Louvre) dans la chambre de marbre ou copiant la cheminée du château de Villeroy (Louvre) pour le salon de Condé.
Chantilly abrite ainsi parmi les premiers exemples d'ensemble décoratif aussi complet évoquant les styles historiques ou les néo-styles, formule soumise à un brillant avenir sous le Second Empire et au-delà. Chez la duchesse, c'est le XVIIIe siècle qui règne en maître, avec les styles Louis XV et Louis XVI qui s'entremêlent indistinctement.
Ici comme aux Tuileries, les appartements féminins se devaient d'évoquer ce style précieux, conforme au statut des princesses d'Orléans. Lami s'inspira visiblement des boiseries des Grands Appartements de Chantilly et des décors peints des Singeries, tout en leur conférant une théâtralité inédite.
Chez le duc, on entre dans l'Histoire. Si la salle à manger, transformée plus tard en bureau, présente un style néo-Renaissance, entre les époques d'Henri II et d'Henri IV, le salon de Condé attenant rend hommage aux princes illustres de la branche cadette de la maison de Bourbon dans un style néo-Louis XIV de bon aloi. La chambre du duc, plus éclectique, présente des boiseries du XVIIIe siècle remployées ; les dessus-de-porte évoquent la vie à Chantilly à travers les siècles : Aumale se plaçait ainsi au cœur de son domaine et de son histoire.
Face à la destruction quasiment totale de tous les palais de la Monarchie de Juillet (le Palais-Royal, les Tuileries, Neuilly, Randan, Eu), Chantilly a la chance de renfermer les seuls appartements de l'époque intégralement préservés en France, conservatoire d'un style et d'innovations décoratives prometteurs, œuvre d'un commanditaire éclairé et d'un décorateur de génie.
Le duc d'Aumale et Eugène Lami ont imaginé une œuvre d'art totale, où chaque objet et chaque pièce de mobilier a été soigneusement choisi, en adéquation avec les décors créés, le tout au sein d'une distribution repensée, partagée en deux appartements symétriques. Salon de Guise Appelée salon des Dames, cette antichambre fut rebaptisée salon de Guise après le décès du fils cadet du couple ducal, François d'Orléans, duc de Guise (mort en 1872). Mêlant styles Louis XV et Louis XVI, elle présente des boiseries qui s'inspirent librement de celles des Grands Appartements. La restauration a révélé des nuances chromatiques de blancs bleutés ou grisés plus étendues. Elle présente des portraits du jeune duc d'Aumale, de son frère, le duc de Montpensier, et de ses deux fils surplombant des meubles des frères Jean-Michel et Guillaume Grohé, ébénistes favoris du duc d'Aumale (meuble d'appui et table de milieu), et des fauteuils en tapisserie de Beauvais.
Une restauration spectaculaire
Un ensemble unique et quasiment intouché
Ouverts aux visites guidées en 1993, les Appartements Privés sont restés quasiment dans l'état où ils avaient été laissés à la mort du duc d'Aumale. Quelques restaurations ont été cependant été réalisées depuis, pour maintenir un état de présentation satisfaisant : la tenture de la chambre de la duchesse avait été remplacée à l'identique grâce aux Amis du Musée Condé en 1971. Plus récemment, plusieurs pièces de mobilier ont été restaurées en 2009- 2010, la tenture en satin de soie du salon violet a été retissée en 2008-2009 et la Petite Singerie restaurée en 2010-2013. Un chantier de grande ampleur devenait nécessaire pour redonner à cet ensemble unique en France sa juste valeur.
État des lieux
Boiseries désordonnées et grisâtres, planchers affaissés, tentures et textiles insolés et décolorés, dorures usées, tableaux jaunis... Les injures du temps se faisaient sentir et ne rendaient pas justice aux lieux. Grâce à l'Institut de France, la Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly et la Direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France, une restauration des structures et des décors a été menée, sous la maîtrise d'œuvre de Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques.
Le parti de restauration, fidèle à celui qui régit la restauration du Domaine en général, a été de restaurer en conservation les lieux et leurs œuvres, selon les dispositions de 1897, date de la mort du duc d'Aumale, connues notamment grâce aux inventaires testamentaires et les photographies d'époque. Une attention particulière a été apportée à la conservation préventive des lieux et des collections.
Les conditions climatiques ont été améliorées avec l'augmentation des surfaces des grilles de soufflage; de même, une attention particulière a été portée à l'apport en lumière, avec l'installation de panneaux occultant permettant de filtrer la lumière extérieure et de produits verriers adaptés. La durabilité des travaux fut un souci constant : ainsi, un sous-parquet a été installé sous le parquet historique de façon à supporter le passage des visiteurs.
Au-delà de la restauration en conservation des tableaux, des bronzes dorés, des meubles de menuiserie et d'ébénisterie, la conservation des textiles a été l'un des grands enjeux de ce chantier. Les solutions ont été choisies au cas par cas, selon l'état de conservation des textiles existants. Dès que cela était faisable, le choix a été de conserver les textiles anciens, de les restaurer et de les consolider ou vivifier à l'aide de crêpeline teintée. Quand les textiles ne pouvaient être sauvés, ils ont été soigneusement conservés, en sous-couche sur place ou en réserve. Des fac-similés soigneusement choisis ont remplacé les œuvres graphiques originales désormais rangées en réserve. Les travaux ont enfin permis de réfléchir à une meilleure mise en valeur muséographique, avec l'aide notamment de nouveaux systèmes d'éclairage.
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