Le Havre : une Maison du Patrimoine-Atelier Perret et une architecture composite

Le Havre vient d'ouvrir la Maison du Patrimoine-Atelier Perret . C'est à deux pas de l'appartement-témoin qui présente ce que l'équipe Perret a imaginé pour reloger les havrais après les dramatiques bombardements de 1944 : des espaces fonctionnels, très ouverts, dotés de tout le confort disponible dans les années 50. Dans du béton, certes, mais un béton de qualité, naturellement coloré, qui a fort bien résisté aux outrages du temps. C'est pour célèbrer l'oeuvre de ce génial concepteur de la reconstruction du Havre que s'est ouvert cet espace. Il s'inscrit dans la reconnaissance, par l'Unesco, du caractère patrimonial unique du centre de la ville, une ville labellisée "Art et Histoire" par le Ministère français de la Culture. L'ouverture de cet espace "Perret" nous donne l'occasion de présenter ce qu'Auguste Perret et la centaine d'urbanistes, architectes, décorateurs, stylistes, ont conçu pour faire de cette ville un lieu unique qui a gardé également quelques remarquables bâtisses anciennes.

Texte et photos : Guy Riboreau ©, sauf les 3 premières photos (Maison du Patrimoine) : Claire Vuillemin ©

Le patrimoine des années 50, c'est tout ce qui a été conçu, fabriqué, utilisé à cette époque puis sauvegardé : immeubles et meubles, objets de la vie de tous les jours, moyens de transport aussi. Témoin ce scooter Manurhin de 75 cm3 que les concepteurs de la Maison du Patrimoine ont disposé comme clin-d'oeil, un rappel de ce que fut cette époque où la France se relevait de ses ruines...

Le scooter Manurhin

Maquette de l'Hôtel de ville et de sa tour présentée à la Maison du Patrimoine

Avant Auguste Perret, c'est François 1er qui a conçu Le Havre là où s'étendaient des marécages. Le plan de la ville en 1517 est visible sous la statue du bon roi entre le Bassin du Commerce et le Bassin du Roi.

Bien sûr, il ne reste pas beaucoup de témoignages architecturaux de cette époque. La plupart ont été détruits lors des conflits ou pour moderniser la cité.

La cathédrale Notre Dame et sa tour clocher (XVIè s.), le plus ancien édifice du centre-ville

Quelques belles bâtisses ont miraculeusement échappé aux massacres. Telle cette maison du quartier Saint-François, que le Sieur Dubocage de Bléville, grand navigateur et explorateur (il a découvert l'ilôt de Clipperton au large du Mexique), se fit construire au 17ème siècle. La bâtisse, superbement restaurée, abrite aujourd'hui le musée de l'histoire du Havre.

Autre maison remarquable, celle communément appelée "La Maison de l'armateur" (fin 18ème s.) qui appartenait en fait à un riche négociant havrais. Ses 20 pièces sont aménagées autour d'un puits central, sorte d'atrium. La maison abrite aujourd'hui des expositions temporaires. et les appartements se visitent.

Si la Maison de l'Armateur fait face au port, celle dite de Georges Braque (le peintre a vécu au Havre de l'âge de 8 ans jusqu'à sa 20ème année) a vue sur la plage de galets.

Le front de mer a conservé quelques très belles façades.

Mais c'est évidemment l'architecture Perret qui fait du Havre un lieu unique. Lignes droites, larges espaces entre les immeubles, grandes ouvertures contribuant à la luminosité des appartements, le tout avec une maîtrise du béton qui force l'admiration..

L'église Saint Joseph vue de l'avenue Foch

Il fallait relever Le Havre de ses ruines. Cent cinquante hectares avaient été détruits par les multiples bombardements de 1944 qui avaient fait plus de 5000 morts; 35000 personnes étaient totalement sinistrées. "Ce que je veux, c'est faire quelque chose de neuf et de durable" déclarait Auguste Perret à Le Havre Eclair le 29 octobre 1945. Son Atelier d'architecture venait d'être choisi pour la reconstruction.

Son double coup de génie fut de faire travailler ensemble urbanistes, architectes, décorateurs, ensembliers, fabricants de meubles et de mettre au point un béton armé résistant pouvant être teinté en fonction de son utilisation. Ce béton est fait de graviers de Seine, de grès rose, de quartzite blanche et de brique concassée. La reconstruction du centre-ville durera jusqu'en 1964.

Un appartement-témoin (à l'identique) de ce qu'a réalisé l'Atelier Perret se visite. Pas de murs porteurs à l'intérieur, les poutres de béton et une colonne structurelle dans le vestibule assurent la rigidité. Des cloisons permettent une grande souplesse dans l'aménagement des pièces.

L'appartement-témoin accueille plus de 10.000 visiteurs par an depuis 2006

Salle à manger et cuisine très modernes pour l'époque.

Un vaste séjour qui facilite la circulation entre les différentes pièces

Fauteuils de salon (René Gabriel)

Solide mobilier en chêne très "années cinquante". Des meubles signés pour beaucoup par René Gabriel, Marcel Gascoin, ou Charlotte Perrian.

Chambre des parents (conception André Beaudoin)

avec berceau traditionnel alsacien

Chambre d'enfant avec lits jumelés gigogne (Emile Seigneur)

Salle de bains

Cet espace de rangement très fonctionnel trouverait encore bien sa place dans un appartement moderne... Il a a été conçu en 1949 par Marcel Gascoin

On peut ne pas être sensible à l'architecture Perret. Il n'en reste pas moins qu'elle a répondu du façon intelligente et humaine à un besoin pressant, celui de la reconstruction du centre-ville dans un contexte économique difficile, et qu'elle offre aux havrais d'aujourd'hui le décor d'une ville aérée, agréable à parcourir à pied, en voiture et, bientôt, en tramway.

Le centre-ville vu du port

Le "Volcan", oeuvre majeure d'Oscar Niemeyer réalisée de 1978 à 1982, sur l'ancienne place Gambetta, aux lignes courbes pour contraster avec les alignements des immeubles Perret. Cet espace Niemeyer abrite un théâtre, une salle polyvalente et un cinéma

Depuis Perret et Niemeyer, la ville du Havre n'a cessé de voir fleurir des architectures audacieuses