La formidable histoire de Byrrh

Dans le Roussillon, deux frères, Simon et Pallade Violet, exercaient le noble métier de colporteur. Objets du quotidien, articles de mode, étoffes, potions diverses, garnissaient les paquets fixés sur le dos de leur mule. Le trio allait de village en village par tous les temps, ou presque. Une vie dure quand la météo ajoutait ses méfaits à la pauvreté de la clientèle... Un jour, vers le milieu des années 1860, l'un des frères eut une idée : pourquoi dans ce pays de vignobles qu'ils traversaient en descendant de leur village de Corsavy, dans les Pyrénées-Orientales, ne pas inventer un élixir  à base de vin permettant de soigner les maux des clients ? En utilisant notamment le quinquina aux vertus médicinales reconnues...

 

Reportage : Guy Riboreau ©

 

 

 

Une riche idée qui allait faire des Violet des gens riches. Mais d'abord il leur fallut mettre au point  la formule d'un breuvage auquel les pharmaciens locaux refusaient de lui donner le qualificatif de "médicament". Du vin, du quinquina, du café, du cacao, de la camomille, des zestes d'agrumes, du sureau... Il fallait trouver un nom pour désigner officiellement  ce mélange de vin et d'épices. Ce fut Byrrh.

 

Pourquoi ce nom bizarre, nous voulant rien dire et qui, en pays anglo-saxon, évoque la bière même si, en catalan, le son bi évoque le vin ? Deux thèses s'affrontent : 

 

1/ pour leurs étoffes, les frères Violet disposaient d'un nuancier comportant une lettre de référence pour chaque tissu. Il fallait faire vite pour déposer le nom. La suite B.Y.R.R.H. du nuancier leur apparut. Pourquoi pas ?

2/ Ces cinq lettres seraient les initiales de cinq prénoms féminins. Histoire de rappeler aux deux frères leurs différentes conquêtes... Bernadette, Yvonne , Renée, Raimonde, Hortense (par exemple)... C'est l'explication romantique.

 

Laquelle des deux versions est la bonne ? On ne le saura jamais. Le nom mystérieux  n'empêcha pas en tous cas le succès commercial de la boisson.  Une cave fut achetée après la boutique ouverte à Thuir pour proposer le "médicament" aux clients aux côtés de colifichets et textiles habituels. Pallade s'occupait de la boutique tandis que Simon fabriquait l'apéritif. C'en était fini des pérégrinations de village en village avec la mule. 

 

L'affaire prospère. Le BYRRH se vend bien car il se boit bien ! Ses vertus médicinales supposées en font l'apéritif idéal : on trinque en même temps que l'on se soigne ! Le vin en ce temps là n'était-il pas considéré comme une boisson hygiéniste ? Alors avec du quinquina en plus !

 

 

Les ingrédients

 

Le succès a des effets pervers : une sérieuse dissension  familiale. Simon veut agrandir les locaux; Pallade ne veut pas. Il meurt en 1883 mais sa veuve et ses descendants restent sur la même position. Rupture à l'amiable en 1889 puis procès féroce qui vaudra aux héritiers de Pallade de très confortables indemnités. Car Simon a bien agrandi les locaux en 1884 en créant de nouveaux chais pour répondre à une demande croissante. 

 

Simon Violet

 

La verrière d'un grand hall fut même confiée à Gustave Eiffel et ce hall desservi par le train, véritable gare privée, vit passer la plupart des expéditions de BYRRH.

 

 

Image virtuelle de la gare (qui ne se visite plus)

 

Simon meurt à son tour en 1891 et c'est son fils Lambert qui reprend l'entreprise qu'il sera seul à gérer à partir de 1911. La marque devient ensuite Maison J. & S. Violet frères, successeurs (Jacques et Simone, les deux petits-enfants de Simon).

 

Lambert Violet

 

BYRRH reste alors une entreprise familiale, gentiment paternaliste comme on en trouvait beaucoup en France à cette époque. Construction d'un hôpital et d'un stade, avantages sociaux et congés payés pour les 200 employés de Thuir et les quelque 1000 autres employés dans les dépôts et succursales...

 

 

 

 

 

A partir de 1903, des campagnes publicitaires considérables furent confiées à des artistes de renom. On peut encore admirer aujourd'hui les superbes affiches exposées dans ce qui fut l'un des principaux chais de BYRRH. Et les objets publicitaires, affiches, cartes postales etc. portant la célèbre marque sont encore très recherchés.

 

 

 

 

 

Les années trente  voient le succès de BYRRH se confirmer. L'apéritif se vend dans le monde entier. Les chais sont encore agrandis. En 1934, c'est une cuve en chêne  de 4205 hl puis 70 cuves de 2000 hl chacune qui sont aménagées.

 

Un tableau de commande centralisateur permet de maîtriser le remplissage et la vidange des cuves

 

L'entreprise s'étend sur 7 hectares et possède des installations  et dépôts dans différentes régions françaises  : Perpignan, Lille, Charenton, Nantes et Lyon,Toulouse, Marseille, Bordeaux, Nancy, Montluçon et Caen.

En 1950, construction de la plus grande cuve en chêne du monde : 10 002 hl de capacité, 10 mètres de hauteur, un diamètre de 12,50 mètres pour un poids de cent tonnes à vide !. 

 

 

 

La Seconde Guerre Mondiale porte un premier coup à l'essor de la marque. Les ventes déclinent d"autant que d'autres apéritifs viennent la concurrencer : Cinzano, Martini, Dubonnet, auxquels les vins doux naturels viennent s'ajouter pour réduire les parts de marché de BYRRH...  L'entreprise n'a pas su alors s'adapter. Elle commença à décliner et à la fin de l'année 1960, dut fusionner avec la Compagnie Dubonnet-Cinzano, CDC,  qui ne garda que les installations de Thuir.

En 1977, nouvelle fusion : la CDC est absorbée par ses actionnaires principaux, Pernod-Ricard qui continue aujourd'hui à produire et commercialiser le BYRRH.

 

Ces installations se visitent aujourd'hui grâce à un efficace partenariat de l'Agglomération de Thuir  qui dispose des anciens chais alors que la partie moderne de l'usine de Pernod-Ricard où se fabrique encore le BYRRH ne se visite pas. Ce partenariat autour d'un patrimoine industriel hors du commun a permis de sauver les installations des frères Violet et de proposer une visite qui s'avère passionnante.

 

L'usine actuelle (vue partielle)

 

C'est par ce passage dans lequel s'affichent les photos historiques des effectifs de l'entreprise que l'on accède aux immenses chais

 

Tout au long de la visite guidée, des personnages virtuels projetés sous forme d'hologrammes nous content l'histoire de BYRRH.

 

 

Après avoir déambulé entre les immenses cuves, la visite se termine par la boutique où l'on peut déguster et acheter les différentes déclinaisons actuelles du BYRRH : le grand quinquina, le traditionnel et l'ambassadeur.

 

G.R.

 

Caves BYRRH - Thuir

Boulevard Violet

BP 25 

66300 Thuir

T. : 04 68 53 45 86

www.caves-byrrh.fr

contact@aspres-thuir.com

 

Créé le : 16/07/2017 - Mise à jour : 09/09/2017
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