"Grands hommes" de Haute Marne, de Voltaire à de Gaulle, 2è étape : Diderot à Langres
Après Voltaire le parisien au Château de Cirey, voici un authentique Haut-Marnais; Denis Diderot né à Langres le 5 octobre 1713 dans une famille de couteliers. C'est l'ainé de 7 enfants dont 4 seulement survivront. Son père le voit bien devenir chanoine à la cathédrale, ce que deviendra d'ailleurs son frère Didier-Pierre avec lequel le futur philosphe finira par se fâcher. Denis suit l'enseignement du collège des Jésuites proche de la maison familiale. Brillant élève, sa voie semble tracée : il reçoit la tonsure et prend le titre d'abbé en août 1726. Mais le jeune homme ne se voit sans doute pas dans le rôle d'un écclésiastique. Il part en 1728 pour Paris étudier à la Sorbonne qui lui délivre en août 1765 une attestation prouvant qu'il a étudié la philosophie pendant 2 ans puis la théologie pendant 3 ans. Commencent alors quelques années de galère où il lui faut s'accomoder de petits boulots pour survivre, le père, aisé mais autoritaire, rechignant à lui accorder des subsides du fait de sa vie de bohème et de la distance que Denis prend par rapport à la religion.
Texte et photos : Guy Riboreau ©
Portrait de Diderot par Louis-Michel Van Loo (vers 1770)
Mais la vie parisienne est riche de rencontres. Denis Diderot fréquente les milieux littéraires, va au théâtre et commence à publier des articles. Il a appris l'anglais (comme.Voltaire qui le maîtrisait très bien) et se lance dans des traductions. Il se prend d'amitié pour Jean-Jacque Rousseau et D'Alembert. Puis c'est la rencontre avec Anne-Antoinette Champion qu'il veut épouser. Mais il lui faut l'autorisation de son père car il n'a pas encore 30 ans, âge légal à l'époque pour pouvoir se marier en toute liberté. Diderot vient à Langres : le père refuse. Le couple se mariera donc à Paris en toute clandestinité en novembre 1743.
Statue de Diderot et sa maison
Malgré leurs dfférents, le père et le fils s'admirent et le contact ne sera jamais rompu. Didier, le père, ira même parfois jusqu'à payer les dettes générées par le fils !
Le jeune Diderot est possédé par une curiosité inextinguible. Il s'intéresse aux sciences, à la littérature, au théâtre, à la médecine, à la philosophie, à l'économie, à la politique aussi. Il dénonce le conservatisme de la société dans laquelle il vit et le rôle oppressant de la religion. Ses prises de position - et celles des autres auteurs du "Siècle des Lumières" - serviront de socle, plus tard, à de nombreux essais philosophiques
Diderot avec D'Alembert et une multitude de collaborateurs réalise son grand oeuvre : le "Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers" . Dix septs volumes de textes et onze volumes de planches de cette "Encyclopédie" réalisés dans des conditions de semi-clandestinité chez l'imprimeur Le Breton entre 1750 et 1772. Ils seront donnés à la ville en 1780 par un notable langrois.
Aujourd'hui, le monumental ouvrage est exposé avec ses compléments (2 volumes de "Supplément", 5 volumes de "tables") dans le superbe hôtel particulier qui abrite la "Maison des Lumières Denis Diderot ", le seul musée consacré au philosophe.
Maison des Lumières Denis Diderot installée depuis 2012 dans l'ancien Hôtel particulier de la famille Du Breuil de Saint -Germain
Entrée de l'Hôtel. Le fronton du porche a été réalisé vers 1770 par le sculpteur langrois Antoine Besançon
Avant d'évoquer la vie du philosophe, le musée rappelle l'histoire du lieu et de ses habitants
Textes, sculptures, peintures, dessins, objets, en relation avec ce que Denis Diderot a connu en son temps et les oeuvres qu'il a produites, les collections du musée sont d'une grande richesse.
Portrait de Diderot par Houdon en 1780 (bronze)
Homme de lettres, critique littéraire, philosophe engagé, Denis Diderot n'a de cesse de prôner une morale universelle basée sur la raison et la nature. Cela lui vaudra les vives critiques de l'Eglise et même trois mois d'emprisonnement du 24 juillet au 3 novembre 1749 au Château de Vincennes pour avoir professé des thèses athéistes...
Son amitié avec Jean-Jacques Rousseau tourne à l'aigre, les deux hommes défendant des conceptions opposées sur le rôle de l'homme dans la société : Rousseau défend la notion de solitude au sein du monde, Diderot estime que "l'homme de bien est dans la société et qu'il n'y a que le méchant qui soit seul"
Bourreau de travail,il mène de front sa collaboration à l'Encyclopédie et une carrière d'auteur :
Pensées philosophiques (1746)
Promenade du sceptique (1747)
Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient (1749)
Pensées sur l'interprétation de la nature (1753)
La Religieuse (1760)
Le Neveu de Rameau (1762)
Le rêve de D'Alembert (1769)
Jacques le fataliste (1771)
Essai sur la vie (1778)
Diderot n'aura fait qu'un seul déplacement hors de France, pour répondre à l'invitation de l'impératrice Catherine II de Russie qui l'a beaucoup aidé financièrement : du 11 juin 1773 au 21 octobre 1774, il séjourne à Saint-Pétersbourg, et à l'ambasade de Russie à La Haye,
Son état de santé déjà fragile se dégrade. Il meurt à Paris en juillet 1784.
Beaucoup de ses oeuvres ne connaitront le succès qu'après sa mort.
L'Encyclopédie
Deux planches de l'Encyclopédie
Les outils du coutelier Puce vue au microscope
Les volumes de l'Encyclopédie sont présentés dans l'une des plus belles salles de la Maison, une ancienne chambre dotée de plafonds peints. Ils avaient été commandés en 1631 au peintre Henri Pétré, puis bêtement masqués en 1970 avant d'être redécouverts lors de l'aménagement du musée.
Quelques belles toiles illustrent des thèmes ou des personnages chers à Diderot
"La cruche cassée" de Bernard Guidel d'après Greuze
Allégorie de la virginité perdue
(Moitié du XIXè siècle)
La Marquise de Pompadour (elle a soutenu Diderot),
toile de Charles Steuben en 1838 d'après Maurice-Quentin de la Tour
Informations pratiques
Maison des Lumières Denis Diderot
1 place Pierre Burelle 52 200 Langres
www.musees-langres.fr/maison-des-lumieres-denis-diderot/
A Langres, l'enfant du pays n'était pas toujours en odeur de sainteté et sa statue signée Bartholdi, au centre de Langres, tournant le dos à la cathédrale, a alimenté les critiques contre les positions jugées anticléricales du philosophe. Ce n'est que vers le milieu du XXè siècle que les habitants de Langres ont commencé à découvrir la stature de Denis Diderot et l'importance de son oeuvre.
Aujourd'hui à Langres, Diderot est partout. Que penserait le philosophe de l'utilisation de son nom ?
Empruntant le dédale des rues à l'intérieur des remparts de la cité que parcourut le philosophe, le promeneur sera amené à s'arrêter fréquemment devant les façades des bâtiments de la ville.
La chapelle de l'ancien couvent des Carmélites, face à la Maison des Lumières
La chapelle de l'ancien collège des Jésuites
et la porte du collège surmontée d'un groupe sculpté dit de "L'instruction" réalisé par Antoine Besançon en 1778
Sur son éperon rocheux dominant la Marne, la ville a gardé à l'intérieur de ses remparts de superbes vestiges des XVIIIè et XIXè siècles. Tout autour, villages et sites remarquables comme la villa gallo-romaine d'Andilly, lacs et forêts offrent au visiteur d'appréciables buts de promenades .
Office de Tourisme de Langres
BP16 - 52201 Langres cedex -
Tél : 03 25 87 67 67 - Fax : 03 25 87 73 33
http://www.tourisme-langres.com/
A suivre : Louise Michel à l'Abbaye d'Auberive
