Poulardes de Bresse : des volailles " bien roulées "

A l'image d'un grand vin, la volaille de Bresse est la seule au monde à bénéficier d'une Appellation d'origine contrôlée définissant la zone d'élevage, la race et les conditions d'élevage. Son goût de terroir, sa chair ferme et persillée sont uniques. Elle est l'œuvre d'hommes de passion.

 

Reportage en Bresse : André Degon, (texte et photos, sauf photos marquées DR) ©

 

Poulardes de Bresse DR


 

En France, on ne plaisante pas avec la nourriture et c'est tant mieux. Et quand on arrive dans la Bresse avant le concours des « Glorieuses », plus exactement à Bourg-en-Bresse, on sent qu'ici « c'est du sérieux », comme dirait un certain président parlant de sa relation avec un certain mannequin. On est dans le triangle d'or de la basse-cour du monde, puisque - répartie sur trois départements, l'Ain, la Saône-et-Loire et le Jura – on y trouve la seule volaille bénéficiant d'une AOC/AOP (appellation d'origine protégée, appellation de l'Union européenne). Il s'agit de la race gauloise de Bresse blanche qui a le bon goût d'être bleu, blanc, rouge (pattes bleues, plumage blanc y compris le camail et crête rouge simple, à grandes dentelures, barbillons rouges), ce qui, on l'avouera, facilite la promotion.
C'est en 1591 qu'est fait mention de volaille en Bresse pour la première fois. Dix ans plus tard, un roi, Henri IV, la mettra à l'honneur, séduit par la bête après l'avoir goûtée lors d'un arrêt intempestif pour cause de bris d'essieu de carrosse dans la région. Il fit le vœu que son bon peuple puisse « mettre la poule au pot » tous les dimanches. L'histoire ne dit pas s'il fut écouté.

 

 

Les concours

Brillat-Savarin, natif de Belley dans l'Ain, gastronome réputé, célébrait en 1825, un an avant sa mort, dans son traité "La physiologie du goût", la volaille de Bresse, la surnommant « reine des volailles et volaille des rois ». La notoriété était lancée et commença à s'affirmer avec les concours. Le premier a lieu à Bourg-en-Bresse le 23 décembre 1862 à l'initiative de Léopold Le Hon, conseiller général de Pont-de-Vaux et député de l'Ain. Organisé par le Comice agricole de Bourg, il met en scène 591 chapons et poulardes. Le plus beau chapon, grand prix d'honneur, est offert à Napoléon III. Deux ans après, le concours « monte » à Paris s'affronter aux concurrents de la Flèche et du Mans. La Bresse triomphe grâce à la présentation « roulé » unique des volailles. A la fin du XIXe siècle, il « redescend » à Bourg. Entre les deux guerres, les concours prennent de plus en plus d'importance. Elargis aux oies, aux canards et aux pigeons, certains réunissent jusqu'à 3 000 volailles et sont accompagnés d'une exposition gastronomique.

 

 

Appellation d'origine contrôlée

C'est en 1929 que commence à germer l'idée d'une appellation d'origine. En 1936, les éleveurs de Bresse entreprennent de « faire le ménage ». Des experts sont sollicités pour analyser les sols, les procédés d'élevage, la détermination de la race « pure exempte de croisements ». Après de longs travaux, arrive enfin le moment attendu. Le 22 décembre de la même année, un jugement concrétise l'appellation et le 1er août 1937, la loi signée par le président de la République René Coty crée une entité délimitée dans l'espace, la Bresse AOC, faisant de la « volaille de Bresse » la seule volaille bénéficiant d'une Appellation d'origine contrôlée. La loi institue également le Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse, établissement public en charge de l'organisation de la production et de la commercialisation et détenteur des marques d'identification. Après la Seconde guerre mondiale, au fil des années, les concours, désormais au nombre de quatre (Bourg-en-Bresse, Louhans, Montrevel et Pont-de-Vaux), les quatre "Glorieuses", se structurent et un bel esprit de compétition règne entre les différents éleveurs.

 

Ferme bressoise traditionnelle (musée de la Bresse, domaine des Planons) DR


Un million de poussins par an

A ce stade de l'histoire, il faut évoquer la fermière bressane. C'est grâce à elle que la volaille est devenue reine. Jusque dans les années 50, c'est elle qui assurait le bon fonctionnement de la filière : sélection du meilleur coq reproducteur, de la meilleure poule pondeuse. Elle embecquait, gavait, roulait. Et la vente de sa production lui permettait de subvenir aux besoins quotidiens de la ferme sans toucher au budget. A partir de 1955, les choses changent avec la création du Centre de sélection de Saint-Etienne-du-Bois qui a pour mission de sélectionner les souches de volaille de Bresse, la race "Gauloise de Bresse blanche", afin d'obtenir les meilleurs caractères (harmonie de croissance, rusticité, plumage blanc, pattes bleues, crête rouge) et de fournir des reproducteurs sains. Le centre produit ainsi un million de poussins par an qu'il livre, âgés d'un jour, aux 180 éleveurs recensés.

 

 

Chtistian Chatard dans sa chambre froide à la veille des "Glorieuses"

 

On voit donc que la volaille de Bresse : c'est du sérieux. Pour en avoir le cœur net, il suffit de se rendre chez Christian Chatard à Viriat, au nord de Bourg-en-Bresse. Lui, c'est un grand, un habitué des prix. Tous les ans, aux Glorieuses, il se confronte aux Sibelle, Pobel et autres Cormarèche. Chez Christian Chatard, les volailles sont en liberté. On est loin des 10 m2 réglementaires. Elles vont même se promener dans les bois. « Nous n'avons pas d'enclos, nos bêtes vont où elles veulent et rentrent le soir dans leurs cabanes. L'inconvénient, nous avons 20% de perte à cause des prédateurs. Mais c'est le prix à payer pour avoir de belles volailles » déclare-t-il. A la fin de l'année, les choses se précisent : une partie des volailles ira à l'abattoir, l'autre, la volaille dite « fine » sera traitée à la ferme. « On choisit 80 chapons sur pied, les plus beaux, indique Christian Chatard. Une fois roulés, on en garde 35 et finalement 25 iront au concours. » Pour les poulardes, la sélection est aussi sévère. Autant dire qu'à cette période de l'année on ne chôme pas dans les chaumières ! Début décembre, la famille, les tantes, les sœurs, les cousins, les filles, les grands-mères, les amis, tout le monde est réquisitionné. Près de 150 volailles sont traitées par jour. Il s'agit d'être prêt à fournir les grands restaurants de France et d'ailleurs puisque l'on retrouve la volaille de Bresse jusque sur les tables japonaises.

 

  

Les mamies sont mises à contribution pour la finition du plumage


« Le goût est dans le gras »


Après avoir été saigné puis plumé à sec pour obtenir la peau la plus intacte possible car le moindre hématome ou tache est disqualifiant, le plumage est fini à la pince à épiler. Car il faut une peau la plus lisse possible. Pour les poulardes, c'est quasiment le maillot intégral. Nettoyée, la volaille est ensuite emmaillotée dans une toile de lin, de chanvre ou de coton sauf le cou dont le tiers supérieur est laissé avec des plumes en forme de collerette blanche. Ce « roulage » était à l'origine destiné à une meilleure conservation de l'animal. C'est devenu une tradition qui a son efficacité puisque cette technique permet de faire pénétrer la graisse dans le maigre et d'offrir ainsi une viande plus goûteuse. Car comme l'affirme Christian Chatard : « le goût est dans le gras ». Une fois emmaillotées, les volailles passent entre les mains des hommes dont le rôle est de comprimer fortement les lacets pour obtenir un beau « paquet ». Puis vient le temps du repos dans la chambre froide. Les plus belles seront présentées aux Glorieuses.

Les hommes procèdent au "roulage"

 


Les Glorieuses


Dès 5 heures du matin, les éleveurs arrivent avec leurs lots de chapons, poulardes, dindes. Détoilées, les volailles sont alignées sur des grandes tables et présentées par lot : quatre chapons, trois chapons, quatre poulardes, deux poulardes et mariées, un chapon et une poularde. Les critères retenus sont l'homogénéité du lot, l'état d'engraissement l'absence de griffures, la couleur blanche, l'œil clair, l'emmaillotage (le sujet doit être bien comprimé, pattes et ailes enfouies dans la graisse).

 

 

Derniers ajustements des rubans bleus sur les chapons

 

Les poulardes au ruban rose attendent le jury


A 7h30, le jury arrive. Anciens volaillers, vétérinaires, chefs, personnalités de la région, cette trentaine d'amateurs éclairés dispose d'une heure pour déterminer les vainqueurs parmi les 800 volailles présentes.

 

Le jury examine chacune des volailles

 

Vient ensuite la proclamation du palmarès et la mise en vente des volailles. Par tradition les chapons vainqueurs auront l'honneur d'être présentés à la table du Président de la République qui, en échange, offrira à l'éleveur distingué le non moins traditionnel vase de Sèvres.

Le prix de la Crête d'or

Ce prix est attribué lors du concours de dégustation qui se tient la veille des Glorieuses. Créé en 2004 à Bourg-en-Bresse, ce concours organisé par la ville traditionnellement au restaurant La place Bernard a donc fêté ses dix ans en décembre dernier. Il s'agit pour la vingtaine de membres du jury composé de personnalités de la ville, de restaurateurs, de journalistes (Claire en France était représenté), sous la présidence de Georges Blanc, président du CIVB, de déguster cinq poulardes issues des élevages primés aux Glorieuses 2013. Toutes cuisinées de la même façon. Il était demandé au jury de tenir compte de la coloration de la chair, de la fermeté, de l'élasticité, du caractère juteux, du fondant, du fibreux, du goût, de l'amertume. Un exercice qui demande une certaine dextérité des papilles !

 


  

  

Pratique

Où se restaurer

- Ferme-auberge du Poirier à Cuet, Montrevel-en-Bresse. Tel : 04 74 30 82 97.
http://www.fermeaubergedupoirier.fr/
Joël Billet et sa femme Silvia sont éleveurs de volaille de Bresse. Alors pas de problème pour la qualité des repas. Menu quatre plats avec poulet de Bresse à la crème ou au vinaigre ou rôti : 26,50 euros par personne. Ouverture : de fin mars au début octobre, les samedis midi et dimanches midi. En semaine, possibilité si un groupe est prévu. Donc il vaut mieux téléphoner pour réserver.


- Brasserie le Français http://www.brasserielefrancais.com/
Au Français, on est dans le vrai. Pensez, une maison née en 1897 sous le nom de Café français et rebaptisée après la guerre, en 1952, Brasserie Le Français, devenue, sous ses plafonds à moulures, une institution de la ville de Bourg-en-Bresse grâce au savoir faire de la famille Ramboz. C'est le rendez-vous incontournable pour qui ne chipote pas sur les plats : volaille de Bresse à la crème et aux morilles, grenouilles de la Dombe, escargots de Bourgogne, quenelles de brochet sauce Nantua. Vous l'aurez compris, ici on ne joue pas. Menus trois plats de 28,50 euros à 62,50 euros. Belle carte de vins. A goûter les Ferrailles 2011 (Mondeuse vieilles vignes) du Domaine Monin à Vognes dans le Bugey.

 

Poulet au vinaigre DR.                 Traditionnel poulet à la crème DR

 


- La Marelle, 1593 av. de Lyon à Péronnas. Tel. : 04 74 21 75 21 http://www.lamarelle.fr/ . Chez Didier Goiffon, les plats proposés sont fonction du marché. La formule est simple : menu à partir de 41 euros sur la base de trois plats. A la carte, de 60 euros à 95 euros sur un menu dégustation de neuf plats autour de la Saint-Jacques, la sole, les cèpes, le lièvre de la Beauce, la volaille de Bresse bien sûr. Après être passé entre autres à l'Ousteau de Beaumanière, au Beau Rivage à Genève puis chez Pierre Gagnaire, Didier Goiffon s'installe avec Sandra, son épouse, à Péronnas et gagne son étoile Michelin en 2006. C'est un inconditionnel de la Saint-Jacques française qu'il accommode de différentes façon suivant l'humeur. Sa spécialité : les Saint-Jacques cuites et crues et sorbet de corail. Lors de notre passage pour les Glorieuses, nous avons pu goûter un poulet de Bresse accompagné de légumes racine (panais, topinambour et rhizome de capucine), accompagné d'une Mondeuse de 2011 de la maison Bonnard dans le Bugey.

 

Où dormir

- Le Griffon d'or, 10, rue du Quatre-septembre à Bourg-en-Bresse. Tel. : 04 74 23 13 24. http://www.hotelgriffondor.fr/fr/ . Un relais de poste du XVIIIe siècle transformé en hôtel de charme. Jacuzzi, sauna, parking privé sont gratuits. Belles grandes chambres. Accueil chaleureux d'Aurelie et de François André. . Chambres de 113 à 135 euros pour deux personnes. Pt. Déj. : 14 euros



A quoi reconnait-on une véritable volaille de Bresse ?


Une volaille produite en Bresse n'est pas nécessairement une volaille « de Bresse »


-  La bague d'identification personnalisée et posée par l'éleveur à la patte gauche
-  L'étiquette et le logo AOP volaille de Bresse
-  Le scellé tricolore apposé à la base du cou. Il porte au dos le nom de l'expéditeur.
-  Le sceau spécifique. Il constitue pour la poularde et le chapon un signe supplémentaire de distinction.


Le chapon
Issu du poussin mâle de race gauloise de Bresse, le chapon est nourri de maïs, de blé, de céréales provenant uniquement de Bresse et de produits laitiers complétés par les larves, vers et insectes qu'il trouve sur son parcours de chasse sur une prairie de 10 m2 minimum par animal. Le « chaponnage » (castration) intervient à 9 semaines, à Pâques. L'engraissement se termine en épinette (cage en bois) pendant quatre semaines. Age minimum : 8 mois. Poids minimum effilé : 3 kg.


- La poularde
Issue du poussin femelle de race gauloise de Bresse. Même nourriture que le chapon, même vie en plein air et engraissement final en épinette pendant 3 semaines. Vie minimum 5 mois. C'est une demoiselle qui n'a jamais pondu. Poids minimum effilée ou roulée : 1,8 kg.

- Le poulet

Mâle ou femelle, issu du poussin de race gauloise de Bresse. Même nourriture que la poularde, même vie en plein air et engraissement final en épinette pendant une dizaine de jours. Age minimum 4 mois. Poids minimum effilé : 1,3 kg.


- La dinde noire

Mâle ou femelle issue du dindonneau noir de Bresse. Même nourriture que le poulet. Vie en plein air, sur prairie avec au minimum 20 m2 par animal. Age minimum 7 mois pour arriver à maturité en décembre après un passage de 3 semaines au poulailler pour parfaire son engraissement. Poids minimum effilé : 3 kg.

 

 


A visiter

Pour s'intéresser aux nourritures spirituelles :

- Le monastère de Brou. Tel. : 04 74 22 83 83. www.brou.monuments-nationaux.fr . Si le monastère de Brou est le monument préféré des Français d'après l'émission éponyme présenté par Stéphane Bern en septembre dernier, il y a bien une raison ! Ce chef d'œuvre gothique flamboyant commandé par Marguerite d'Autriche est hymne à l'amour de la régente des Pays-Bas envers son jeune époux Philibert le Beau. Une sorte de Taj Mahal à la française, puisque dans ce mausolée ils reposent tous les deux. Monastère également, il abrita une petite communauté de moines. Exceptionnel endroit qui comprend étonnamment trois cloîtres et un musée aux riches collections. Peintures flamandes du XVIe siècle, peintures françaises du XVIIe siècle et meubles Renaissance.

et pour revenir aux nourritures terrestres :

- Un élevage de volailles

Ferme de Bon-repos, 713 chemin de Bon-repos à Viriat. Tel. : 04 74 22 17 58/06 83 37 16 62. Christian Chatard rafle régulièrement les prix aux Glorieuses avec des volailles de premières catégories. Chez lui, pas de grillages dans la prairie : les parcours sont libres. Vente à la ferme sur commande.


Beurrerie Etrez à Etrez. Tel. : 04 74 25 41 86. www.laiterie-etrez.com
Pour savoir comment on fait du vrai beurre de baratte et l'acheter car ce beurre doux en AOC et demi-sel (sel suisse des Alpes) est une vraie merveille. Les grands restaurateurs ne s'y sont pas trompés. Sans oublier le fromage blanc moulé à la louche et la crème AOC.


Pour en savoir plus

Aintourisme, 04 74 32 31 30. www.ain-tourisme.com
Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse (CIVB), 03 85 75 10 07. www.pouletdebresse.fr ; www.glorieusesdebresse.com

 

André Degon

 

Créé le : 04/01/2015 - Mise à jour : 10/01/2015
mfb | 21.12.2016 - 12:41
je m'attendais à trouver une recette de poularde de bresse roulée, mais rien du tout
. je suis deçue
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Commentaires :
mfb | 21.12.2016 - 12:41
je m'attendais à trouver une recette de poularde de bresse roulée, mais rien du tout
. je suis deçue

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