Que dirait Vincent Van Gogh, lui qui de son vivant ne vendit jamais qu'un seul tableau, des célébrations qui entourent le cent vingt cinquième anniversaire de sa disparition, aux Pays - Bas, en Belgique, en Angleterre et en France ? La petite ville d'Auvers-sur- Oise où il mit fin à ses jours le 29 juillet 1890 (il avait trente sept ans) n'est pas en reste.
Reportage Marianne Lohse
Auto-portrait
La plupart des lieux que connut Vincent Van Gogh arrivé à Auvers-sur-Oise le 21 mai 1890 n'existent plus. Ou sont méconnaissables. Ce qui subsiste ? Le charme, aux portes du Vexin français, à moins de trente kilomètres de Paris d'une campagne ravissante, aimée de Corot et Pissaro. Le souvenir d'oeuvres aussi marquantes que « l'Eglise d'Auvers » ou le »Portrait du docteur Gachet ».La chambre, dénudée, de l'Auberge Ravoux : le peintre qui trouvait Auvers « gravement beau » y vécut soixante dix jours extraordinairement féconds avant d'y mourir dans les bras de son frère, Theo.
La ville accueille environ 220 000 touristes par an. Cette année, en partenariat avec le Comité régional du Tourisme Paris-Ile de France, tous les acteurs culturels d'Auvers-sur-Oise se sont mobilisés pour offrir, jusqu'au 20 septembre 2015, sur le thème « Sur les Pas de Van Gogh» un programme de visites remarquable. D'une étape à l'autre, le plus souvent à pied, on s'imprègne de l'atmosphère d'une époque, on pénètre (un peu) le mystère qui continue d'entourer le suicide de Vincent van Gogh.
A l'Orangerie sud du Château, il ne faut pas rater « The van Gogh Experience» un troublant parcours en immersion, orchestré par le peintre et cinéaste Arnaud Rabier Nowart et réalisé par un collectif de six artistes. A partir de supports aussi divers que la vidéo, les variations sonores ou le light painting on revit les derniers jours du génie.
A quelques encablures, rue Callé, non loin de la rue de la Fée verte, un petit musée privé, le Musée de l'Absinthe, fait découvrir la «vie de café» si importante au XIXème siècle et le rituel entourant la boisson-phare, prohibée en 1915, à travers une précieuse collection d'affiches, de gravures et d'objets. Grand buveur d'absinthe, comme Toulouse-Lautrec, comme Gauguin, Van Gogh en fit le sujet d'une toile…
Le Musée Daubigny (Charles-François Daubigny fut un précurseur des impressionnistes) présente une très belle exposition, à l'occasion du 60ème anniversaire du tournage, à Auvers, du film de Vincente Minnelli «La vie passionnée de Vincent van Gogh». «Un certain regard sur Van Gogh » confronte les perceptions de trois cinéastes qui voulaient être peintres, Vincente Minnelli donc mais aussi Maurice Pialat et Akira Kurosawa.
Affiches, peintures, esquisses préparatoires accompagnent les projections. Dans le film, flamboyant, de Minnelli, les tableaux reflètent les états d'âme du peintre incarné par Kirk Douglas. Dans « Van Gogh» Jacques Dutronc prête ses traits au héros fragile et bouleversant de Pialat. Dans »Dreams », huit histoires racontant des rêves, le jeune Akira Kurosawa part à la recherche de Van Gogh interprété par Martin Scorcese. Ce rêve, intitulé «Les Corbeaux», s'achève dans un musée, devant « Le Champ de blé aux corbeaux ». A voir, absolument, ne serait-ce que pour les croquis de l'immense cinéaste japonais.
En quittant la maison du docteur Gachet, on a le sentiment d'en savoir un peu plus sur le bon docteur, thérapeute mais aussi amateur d'art éclairé, collectionneur et graveur. C'est Pissaro qui écrit à Théo pour lui conseiller d'envoyer son frère à Auvers où il respirera l'air de la campagne et où Gachet veillera sur lui. Van Gogh était-il épris de Marguerite, la fille du docteur? Gachet désapprouvait-il leurs relations ? Une dispute entre les deux hommes est-elle à l'origine du geste de Vincent ? On ne le saura sans doute jamais. La maison aux volets bleus qu'entoure un superbe jardin ne livre pas ses secrets. On peut y voir une exposition de 70 gravures, de Gérôme à Millet, provenant du fonds Goupil, éditeur et marchand d'art. Un clin d'œil aux frères Van Gogh: Vincent embauché comme vendeur n'y fit pas long feu. Mais Theo y gravit avec succès, tous les échelons.
Combien de pèlerins se recueilleront-ils sous les combles de l'Auberge Ravoux ex Café de la Mairie, dite Maison de Van Gogh, dans la chambre numéro 5 classée monument historique? Dominique-Charles Janssens, le propriétaire de l'auberge, l'a très intelligemment laissée « dans son jus » et vide, à l'exception d'une chaise (celle de Theo ?) et d'une inscription douloureuse : «Un jour ou un autre, je crois que je trouverai moyen de faire une exposition à moi dans un café » (juin 1890, lettre à Theo). C'est une pièce très modeste éclairée par une imposte et flanquée d'une salle où un audio-visuel évoque le séjour de l'artiste.
L'église d'Auvers-sur- Oise que Van Gogh peignit dans de violents tons bleutés, est toujours là. Le curé refusa toute cérémonie religieuse. Son corps fut exposé à l'auberge, entouré de ses tableaux et d'une foison de fleurs jaunes. Sur la bière, on avait jeté un simple drap blanc . Dans le cimetière tout proche, Vincent et Theo mort peu après reposent côte à côte. Un lierre recouvre et unit les deux tombes.
Pour plus d'informations : www.surlespasdevangogh.eu et www.valdoise.fr
Folles enchères
Début mai, on estimait que lors d'une prochaine vente Sotheby's à New York, «l'Allée des Alyscamps », peinte par Van Gogh en 1888 et vendue 11 millions de dollars en 2003, pourrait voir son prix quadrupler.
Or une dépêche d'agence nous apprenait ceci :
Mercredi 06 mai 2015, 08h56
L'oeuvre de Van Gogh "L'allée des Alyscamps" a été vendue mardi 66 millions de dollars lors d'une vente aux enchères à New York, ce qui représente le montant le plus élevé pour une toile du maître depuis 1998, a indiqué la maison Sotheby's.
Elle avait été estimée à plus de 40 millions de dollars, et a été acquise par un collectionneur asiatique au terme d'une lutte acharnée entre cinq enchérisseurs.
Le record pour un Van Gogh est toujours détenu par "Portrait du Dr Gachet" (1890) qui a atteint 82,5 millions de dollars lors d'une vente Christie's à New York en 1990.
Autre lot marquant de la soirée, un tableau de la série des "Nymphéas" du peintre français Claude Monet a trouvé preneur à 54 millions de dollars, quand Sotheby's l'avait évalué entre 30 et 45 millions.
Le record mondial pour un tableau aux enchères était jusqu'au 11 mai 2015 de 142,4 millions de dollars pour le triptyque de Francis Bacon, "Trois études de Lucian Freud", adjugé en 2013 à New York.
Mais comme on arrête pas la folie des enchères, et toujours à New York, une œuvre de Pablo Picasso "Les Femmes d'Alger", peinte en 1955, a été adjugée, ce 11 mai, commission incluse, 179,4 millions de dollars (161 millions d'euros) tandis que la statue « L'homme au doigt » d'Alberto Giacometti était vendue 141,28 millions de dollars (126,83 millions d'euros).
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L'art n'a pas de prix !
GR
Photo : TIMOTHY A. CLARY / AFP
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