"Trésor", le mot est juste : cet ancien couvent de soeurs Augustines est d'une incroyable richesse architecturale et muséographique. Avec cet Hôtel-Dieu bâti au XVIIè siècle, remanié au XIXè et superbement restauré, la Ville de Château-Thierry possède l'un des plus beaux témoignages que l'on puisse imaginer sur la vie des moniales au service des pauvres et des malades. Un lieu encore peu connu car ouvert début 2011 seulement, qui mérite une longue visite, émouvante souvent. Au moins si l'on tente de se replacer dans le quotidien de ces femmes enfermées dans une série de règlements sévères, confrontées à des situations difficiles, vivant dans un relatif inconfort et, parfois, soumises à des brimades que seule une foi solide permettait sans doute de supporter... Aujourd'hui, c'est un lieu de mémoire mais aussi un musée, présentant plus d'un millier d'oeuvres artistiques de premier plan.
Reportage texte et photos : Guy Riboreau ©
A l'entrée de cet ancien couvent des Augustines, une inscription du XVIIè résume le sort qui les attend :
"Enfermée toute vivante, nous n'en sortirez que pour entrer dans le tombeau de la mort fermé de quatre murailles"...
Les postulantes étaient prévenues : leur vie cloitrée ne serait pas une sinécure !
Epouse de Philippe IV le Bel, Jeanne de Navarre fonde l'Hôtel-Dieu de Château-Thierry en 1304. C'est d'abord un petit établissement dont il ne reste que peu de vestiges architecturaux. C'est Louis XIV qui lui donnera son importance à la fin du XVIIè en rattachant à l'hôpital 28 maladreries (léproseries) des environs. Les bâtiments sont remaniés, agrandis, et une congrégation de 12 religieuses de Saint Augustin s'y installe sous la houlette de Madame de La Bretonnière (en religion Madame de Saint-Ange), nièce de la riche famille Stoppa, nommée Prieure de la Communauté en 1682. A l'époque et jusqu'au 18è siècle, ce sont les congrégations religieuses que assuraient la fonction hospitalière.
Pierre Stoppa, un Suisse des Grisons, n'est pas n'importe qui : colonel puis lieutenant-général des Gardes Suisses au service du roi de France, marié à la cousine du cardinal de Retz, Anne-Charlotte de GONDY, fille de Jean-Baptiste de Gondy, introducteur des ambassadeurs à la Cour, et veuve de Colbert. Les Stoppa n'ont pas d'enfants. Ils considèrent leur nièce comme leur enfant qu'il vont gâter en devenant les mécènes de l'Hôtel-Dieu.
La règle des Augustines est sévère. Mais la communauté est richement dotée : mobilier, textiles, oeuvres d'Art, objets religieux. En 1690, les effectifs du monastère sont de 13 religieuses, 1 chapelain, 1 médecin, 1 chirurgien, 1 sacristain et 2 servantes pour l'entretien de 15 lits. De 10 puis de treize lits au départ, la capacité d'accueil passe rapidement à 30 lits.
C'est la période faste de l'Hôtel-Dieu. Madame de La Bretonnière s'avère être une gestionnaire avisée. Les ressources de la communauté augmentent. De nouveaux aménagements sont réalisés. Les Stoppa poursuivent leurs largesses qui ne s'interrompront qu'en janvier 1701 à la mort de Pierre Stoppa, six ans après celle de son épouse.
Les pillages, les guerres, la Révolution, améneront l'Hôtel-Dieu à connaître bien des vicissitudes au fil des siècles. Mais l'essentiel de ses trésors est préservé quand est décidée, en 1876, la construction d'un nouvel établissement au même emplacement. Les Deux Guerres mondiales exigeront ensuite que ces trésors soient entreposés dans les souterrains du Château de Pierrefonds (Guerre 14-18) et au Château de Laval. et à Champs-sur-Marne (Guerre 39-45) pour leur permettre d'échapper aux destructions.
La dernière Prieure du Couvent est décèdée en 1958, la dernière soeur Augustine en 1966. Mais avant, de mourir, la religieuse signale l'existance d'objets importants stockés dans les greniers
Quelque temps après, en 1973, une passionnée d'art et d'histoire, Micheline Rapine, responsable de l'Economat de l'Hôtel-Dieu, redécouvre le Trésor des Augustines et mobilise les bonnes volontés pour le sauver et le mettre en valeur.
En 1980, l'évolution des techniques hospitalières exige l'abandon de l'Hôtel-Dieu au profit (en 1983) d'un nouvel ensemble hospitalier sur les hauteurs de Château-Thierry.
Commence alors pour l'association locale "Arts et Histoire" , un long et passionnant travail de découverte et de recensement de tous les objets accumulés au fil des siècles : objets de culte, mobilier, céramiques, peintures, sculptures, faiences, orfévrerie, textiles, livres, instruments de médecine et de pharmacie.
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Les travaux de Micheline Rapine qui s'était vu confier la gestion des lieux en 1982 au moment du transfert des services de l'Hôpital vers ses nouveaux locaux ont permis non seulement de reconstituer l'histoire de l'Hôtel-Dieu mais aussi de créer ce superbe musée .Avec l'aide de la Ville de Château-Thierry, de la Communauté de Communes, du Département de l'Aisne, de la Région Picardie et de nombreux mécènes, les bâtiments, restaurés à la façon du XVIIè, abritent désormais sur 1500m2 plus de 1300 oeuvres d'art dont une douzaine sont classées aux Monuments Historiques.
Ce "Trésor " est ouvert au public depuis le début de 2011
Visite en images :
La chapelle
Chapelle funéraire des Stoppa et sa grille de fer forgé attribuée à Robert Davenne (début du XVIIIè)
Mausolée de Pierre et Anne Stoppa, restaurateurs et bienfaiteurs de l'hôpital
Dans une châsse, les reliques seraient celles de Sainte Claire
Devant du maître-autel : la résurrection du fils de la veuve de Naïm
Dans un étonnant meuble en chêne aux tiroirs pivotants sont conservés des vétements sacerdotaux de toute beauté
Antiphonaire romain de 1710
Une muséographie intéressante pour présenter des objets sacerdotaux et cet Antependium gothique du XIVè représentant des scènes de la vie de la Vierge
Chambre (de la Prieure ?)
L'ouvroir où les soeurs brodaient les vêtements sacerdotaux
La chape de Saint Pierre (XVIIè s.)
La chambre de Pierre Stoppa
et son étonnant cabinet-coffre Moghol en bois de violette et incrustations d'ivoire
réalisé en Inde à la fin du XVIIè
La cuisine de la communauté, animée aujourd'hui par des automates
Vaisselier : porcelaines de Chine, de Sèvres... faiences de Lunéville, de Rouen, de Delft... des pièces de grande valeur
Au réfectoire des soeurs, l'une d'entre elles lisait des passages des Evangiles pendant les repas
Le parloir
Saint Augustin présentant les Stoppa et la communauté de soeurs à Jésus-Christ, une immense toile de Dolivet.
Deux autres toiles de grandes dimensions, dont une attribuée à Nicolas de Largillière, une Vierge à l'enfant attribuée à Gabriel Revel et d'autres tableaux dont les portraits des différentes prieures, sont également exposés
La bibliothèque
L'apothicairerie présente une belle collection de pots médicinaux en faience de Nevers
Le "Beaume de chien", une recette nécessitant de sacrifier de jeunes chiots
(Claire en France vous épargne la recette de ce baume là...)
Les outils du pharmacien
Vitrine présentant les différents outils chirurgicaux utilisés au XIXè s.
Lit d'accouchement en cuir (XIXè)
Musée du Trésor de l'Hôtel-Dieu
11 rue du Château
02400 Château-Thierry
T.: 03 23 84 32 86
Courriels : hotel.dieu-chateau-thierry@orange.fr
Site : www.hotel.dieu-chateau-thierry.fr
Visites guidées à heures fixes le vendredi 14h00 et 16h00, le samedi 10h30, 14h00 et 16h00: Durée1h30 environ. Fermé le dimanche en basse saison
Billeterie et réservations :
Office de Tourisme de Château-Thierry
9 rue Vallée
02400 Château-Thierry
T. : 03 23 83 51 14
Courriels : accueil.ot@otrct.fr
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