Histoire politique de la roue, de Raphaël Meltz à la Librairie Vuibert
Qui a inventé la roue ? A quelle époque ? Dans quelle partie du monde ? En quoi cet objet rond, cet instrument en forme de cercle, a-t-il une dimension politique ? Ecrivain, doté d'une insatiable curiosité et d'une vaste culture, Raphaël Meltz ancien attaché culturel français au Mexique, a voulu comprendre ce qui a poussé les hommes à utiliser la roue. Pour transporter des charges, se transporter eux-mêmes, toujours plus vite, toujours plus loin. Est-elle née à Sumer, du côté d'Uruk 3500 ans avant notre ère ? Ou bien en Europe, en Pologne, à peu près à la même période ? Quelqu'un a-t-il conçu l'objet ou son existence relève-t-elle du pur hasard ? Pourquoi des civilisations anciennes ne l'ont-elles pas utilisée ? L'auteur puise dans les livres d'histoire, les récits de voyageurs, de chercheurs, de physiciens, d'économistes, d'hommes de pouvoir, pour tenter de trouver des réponses en comparant et en analysant les témoignages. Cela donne un livre passionnant de bout en bout, déconcertant par la richesse du sujet, l'abondance de la documentation recueillie et .les analyses très fines de l'auteur.
Compte-rendu de lecture : Guy Riboreau ©
On pourrait penser que, dès les débuts de la préhistoire, les hommes considérant une forme ronde dans la nature auraient eu l'idée de la transposer, de la reproduire et de l'utiliser pour concevoir un instrument susceptible, en roulant, de transporter des charges. Ce ne fut pas le cas. Il a fallu attendre que des esprits astucieux imaginent que les déplacements des puissants se fassent sur des chars dotés de deux roues de bois, tirés par des hommes puis par des animaux, facilitant ainsi la parade et leur présence dans les terres sous leur contrôle... L'idée aurait germé à peu près en même temps en, Mésopotamie, en Pologne, en Slovénie, en Suisse.
Pourtant, dans certains pays comme dans ceux de l'Amérique pré-colombienne, l'usage de la roue n'a pas connu de développement particulier. "L'Amérique pré-colombienne : un continent sans roue" titre Raphaël Meltz de l'un de ses chapitres. Soit pour des raisons religieuses (pour les Mayas, les Aztèques, les Incas, la forme ronde est évocatrice des dieux), soit tout simplement que la roue n'était pas nécessaire et ne pouvait pas servir dans le contexte de l'époque où les esclaves et les prisonniers fournissaient une main-d'oeuvre corvéable à merci. La roue était pourtant connue pour équiper de petits jeux d'enfants. Mais de là à l'utiliser comme outil de transport ou de déplacement, non.
"En réalité, c'est une immense partie du monde qui n'a pas connu la roue pendant longtemps. " écrit l'auteur "On peut presque dire que l'exception, avant 1500, c'est d'avoir la roue."
Et puis, qui dit roue dit route pour lui permettre de rouler. Certes au fil des siècles, la roue se perfectionne. L'essieu les rayons, le cercle de bois (puis de fer) qui la constituent en attendant le pneu, permettent d'affronter les mauvais chemins sans trop de casse. Mais son usage se généralisant amène les politiques à vouloir mailler leur territoire avec des voies aussi planes que possible. La roue est déjà devenue une consommatrice d'espace et une formidable accélératrice de la mobilité humaine, une réductrice des distances qui n'a cessé de peser sur l'organisation et le développement de nos sociétés.
On en est là aujourd"hui alors que la roue dans toutes ses formes d'utilisation, roue de brouette, de trottinette, de vélo, de voiture, de camion, de train, ou d'avion, ne cesse de nous pousser à bouger. constamment. Seuls freins à cette hégémonie de la roue dans nos existences. Ils sont doubles : les nouvelles technologies se passant de l'engin (l'hyperloop, la sustentation magnétique, notamment) et - ce n'est pas le moindre - son impact sur l'environnement, son empreinte carbone, face auxquels seul le vélo s'en sort avec les honneurs.
Alors condamnée la roue ? Certainement pas. Il reste à la remettre à sa place, à la rendre intelligente - smart wheel - "Quelle nous fasse avancer dans la bonne direction" écrit Raphaël Meltz. De technique, le débat vire à la philosphie.
Histoire politique de la roue, de Raphaël Meltz,
La Librairie Vuibert
Guy Riboreau
