Pluie de beaux livres à découvrir
Le métier d'éditeur n'est sans doute pas une sinécure : il faut avoir de bons auteurs sur des thèmes pouvant intéresser un public aussi large que possible, disposer d'une trésorerie permettant de les rémunérer tout en payant les frais d'édition, d'impression et de distribution. Autant dire que le flair, la connaissance des attentes du public et des projets de la concurrence,, la capacité de bien négocier les différents contrats à toutes les étapes de l'édition, doivent souvent s'accompagner d'une part de chance qui fera basculer l'investissement vers un retour positif.
Beaucoup d'éditeurs jouent avec les collections qui permettent de répartir les risques ; si l'une n'a pas beaucoup de succès malgrè l'intérêt des sujets abordés, une autre viendra rééquilibrer les comptes. Certains éditeurs se spécialisent dans le "beau livre" : grand format, nombreuses reproductions couleur, création graphique, impression de qualité sur beau papier. Le tout pour un prix de vente moyen de 20 à 40 euros. L'apport de partenaires externes dans ce genre d'aventure est souvent décisif. Institutions locales, entreprises, sont sollicitées pour équilibrer le budget. Quand elles ne sont pas elles-mêmes à l'origine d'un projet.
Nous avons reçu récemment quelques uns de ces ouvrages qui honorent le métier d'éditeur par la beauté du livre et son intérêt pour le lecteur. En voici quelques uns venus des Editions Sud-Ouest et des Editions Privat.
Sud-Ouest :
"Les Cathares, entre mythe et réalité". de Dominique Dieltiens pour le texte et Jean-Louis Socquet-Juglard pour les photos. On a tous appris l'histoire de la tragédie cathare qui a ensanglanté au Moyen Age la France méridionale. Le combat des populations pour faire reconnaître leur foi et leur pratique d'un christianisme médiéval peut-être inspiré par l'Orient reposant sur les "bonhommes", les "parfaits" et les "parfaites" censés mener une vie ascétique. Une religion jugée hérétique par la Papauté (qui, au XIIè siècle, reprenait en mains le fonctionnement de l'Eglise) et donc condamnée a être éradiquée. Les Cathares fuyant les persécutions, les massacres au nom d'une conception rigoriste, intolérante du Catholicisme, se réfugiaient dans leurs bastides, dans des grottes et dans leurs villages haut-perchés, pris d'assaut par les troupes de ceux qui, en massacrant les familles étaient censés défendre la "vraie foi".
Notre actualité troublée n'est pas très éloignée de cette démarche "purificatrice" où l'on voit les tenants d'une religion massacrer au nom de leur foi...
Ce beau livre savant et superbement illustré nous montre ce que sont véritablement les "châteaux cathares", une appellation abusive, retenue pour occuper le touriste dans la région alors qu'il s'agissait de villages qui ont été fortifiés plus tard pour les besoins des guerres avec l'Espagne...
"Pyrénées, montagnes de caractère", de Santiago Mendieta pour les textes et Etienne Follet pour les photos. Le pluriel s'impose pour cette chaîne de montagnes tant elle offre de multiples facettes. Ses sommets et massifs d'abord. dont L'Aneto (3304m), le Canigou, le Pic du Midi d'Ossau, la Rhune. Ses nombreux lacs également, Ses sites comme Lourdes et tout ce que les hommes ont bâti dans la région (l'Art roman !) en développant des cultures distinctes, la Catalane, la Béarnaise, la Basque.
Si dans les Alpes les glaciers s'amenuisent, dans les Pyrénées, ils sont condamnés à disparaître du fait de la faible altitude relative de la chaîne et du réchauffement climatique. Un bouleversement est en cours qui va modifier paysages et habitudes de vie pour les hommes, tout comme pour la faune et la flore très riches..dans la région.
Editions Privat
Du même auteur, Santiago Mendieta, que le précédent ouvrage et sur un thème pyrénéen lui aussi, "Comminges-Pyrénées" nous offre, avec de belles photographies d'Arnaud Spãni, une description fascinante de cette région médiane de la chaîne, des confins de l'Espagne à Bagnères de Bigorre, Saint-Gaudens et la limite du Gers. Une terre d'échanges innombrables, de disputes mais aussi d'ententes territoriales entre France, Catalogne et Aragon. Une province découpée - "dépecée" dit l'auteur - au moment de la Révolution, pour casser les structures de l'Ancien Régime. Une région de tout temps habitée par les hommes. Depuis la préhistoire avec les "aurignaciens" chers à leur découvreur, Edouard Lartet, qui, au XIXè siècle, a travaillé sur les vestiges exhumés à Aurignac, Lespugue et Montmaurin. : outils préhistoriques, restes d'animaux (mammouth(, sculptures dont la fameuse Vénus de Lespugue conservée au Musée de l'Homme à Paris.
Plus tard, les Romains colonisèrent le Comminges, construisant routes, villas et vastes exploitations agricoles. Plus tard encore, après avoir souffert de découpages, de la guerre perdue par les occitans contre le sinistre Simon de Montfort, et de la tragique croisade contre les Albigeois, la région fut rattachée à la Couronne royale en 1454.
Aurait-elle connu le même développement si la Garonne née de nombreuses sources pyrénéennes ne l'avait pas traversé ?
"Grand Narbonne, un pays grandeur nature", c'est un autre beau livre des Ediions Privat. Il est signé Philippe Ollivier pour le texte et Jean Belandrade pour les photos, superbes, elles aussi. Une phrase de Joseph Delteil, Académicien et vigneron, situe bien le propos :
Faites comme Goethe : cherchez l'Orient à vos pieds. L'Orient de France, c'est le Midi". (in La Belle Aude, éditions Collot).
Le livre rappelle l'histoire de cette région de vent et d'eau qui fut et reste terre d'immigration. Ce "pays des hommes puissants", comme le souligne un chapitre, n'a cessé d'accueillir - après le colonisateur romain - les réfugiés involontaires fuyant le conflits européens et africains : italiens, espagnols, "pieds-noirs", algériens, marocains, tunisiens, Un kaléidoscope de cultures importées dans ce pays de bourrasques et d'inondations qu'il a fallu dompter. Vignerons et pêcheurs en savent quelque chose qui ont dû s'associer, chacun dans son domaine, pour bâtir une économie solide, toujours en butte aux caprices d'une nature parfois sauvage.
Le Grand Narbonne, c'est une Communauté d'agglomération de 39 communes, du Minervois à Leucate, un pays de rudes joueurs de rugby (à 15 mais surtout à 13), un pays d'expérimentations technologiques (éoliennes flottantes en mer, par exemple), un pays-nature au patrimoine biologique très riche, et une belle cité qui n'a pas renié son héritage romain, au contraire.
Le livre s'offre le luxe d'un traduction en anglais et en espagnol pour ceux qui, venant d'ailleurs, auront envie de découvrir.un coin de France particulièrement attachant.
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