Bon vin me fait chanter de Sylvie Reboul, Editions Féret
Bonne idée que d'avoir consacré une étude (savante et plaisante à la fois) aux rapports de la chanson et du vin à travers les siècles. Des rapports étroits, l'un entraînant l'autre, qu'il s'agisse du travail dans les vignes, au chai, ou lors de célébrations qui n'auraient pas le même éclat sans ce duo festif. Cette relation ne date pas d'hier. Sylvie Reboul, journaliste, oenologue et agronome, nous montre, preuves à l'appui, que l'histoire de la viticulture s'est écrite aussi en chansons.
Chansons à boire, joyeuses, chanson pour aimer, tendres et complices, chansons de révolte aussi quand le vigneron se rebelle contre la dureté du métier, les ravages des maladies de la vigne, les taxes qu'on lui impose. les méfaits que son vin serait censé entraîner pour la santé publique... Chansons-témoignages qui nous content un mode de vie, une culture, chansons qui s'inscrivent dans le temps, une époque, une société donnée. L'Histoire - celle du vin en particulier et c'est l'intérêt de ce livre - peut s'écrire également en chansons.
5000 ans avant J.C. en Mésopotamie, on chante pour rythmer les travaux de la terre. La vigne déjà étend ses lianes et offre ses raisins Toute la Méditerranée l'adopte. La Grèce produit ses premières cuvées. Anacréon vante les plaisirs de la consommation de vin :
Quand je bois du vin,
la joie s'empare de mon coeur
et je me mets à chanter les Muses
Certains en faisaient évidemment une consommation excessive. Ainsi Diogène, moqué par un chansonnier du XVIIIè, Pierre Laujon :
Si certain fou dans l'Attique
Tout le jour, lanterne en main,
Crut, par son humeur caustique,
Eclairer le genre humain,
Vin nouveau,
Bu sans eau,
Le soir montrait sa folie,
Car pour mieux sentir la lie,
Il couchait dans un tonneau.
Les Romains copiant le Grecs en toutes choses couvrirent leurs terres de la précieuse liane. Bacchus succèda à Dionysios. Les Gaulois et les Celtes en voulurent et la plantèrent..avec l'aide de leurs envahisseurs. Ce qui nous vaut aujourd'hui un bel héritage.
Une chanson du XVIè siècle affirme que Clovis, lors de son sacre à Reims, reçut de Saint Rémi un baril de vin de Champagne :
A Clovis comme il fut notoire
Ung baril de vin proposa
Et luy dist "Tu auras victoire
Autant que ce vin durera".
N'est-ce pas la "potion magique" qui donnera bien plus tard force et invincibilité aux héros d'Uderzo et Gosciny ?
Omar Khayyâm fabuleux poète et mathématicien persan vante ainsi les mérites du vin.
J'entends dire que les amants du vin seront damnés.
Il n'y a pas de vérités, mais il y a des mensonges évidents.
Si les amants du vin et de l'amour vont en Enfer,
C'est que la vigne pousse au sud de La Mecque et que les auteurs de toute la région, persans, arabes, turcs, célèbrent eux aussi les vertus du vin. Toute une littérature bachique se crée et se développe en terre musulmane à partir du VIIè siècle, souligne Sylvie Reboul qui s'appuie sur les études de plusieurs universitaires et journalistes, dont l'ami Paul Balta..
Au XIIè siècle, Ibn Arabi,,un soufi né en Andalousie en 1165 et mort à Damas en 1240, .n'écrivait-il pas :
Délecte-toi du vin que voilée elle te verse
Et jouis du chant résonnant dans le lointain.
Ce vin remonte à Adam.
Il témoigne véritablement du Paradis.
Il fallut le développement d'un Islam rigoriste pour voir le vin disparaître des tables de la région...
Plus proche de nous, Saint Vincent devenu patron des vignerons sera honoré de multiples chansons. Aujourd'hui encore, le week-end précédant ou suivant le 22 janvier, chants et danses rendent hommage à la vigne dans toutes less appellations de France...
Ce livre très documenté est rédigé d'une plume alerte et le lecteur découvrira, parfois avec étonnement, comment le vin et la chanson se sont mariés au fil des siècles.
"Bon vin me fait chanter", l'histoire du vin à travers les chansons, par Sylvie Reboul, Editions Féret
