Vins de Savoie, une richesse méconnue

 

 

Eclaté sur quatre départements, le vignoble est planté à l'abri des vents et des pluies d'ouest à une altitude maximale de 500 mètres dans des sols essentiellement à substrats calcaires ou sur des anciennes moraines. Trois grandes régions hébergent les vignes : La cluse de Chambéry et la combe de Savoie, la Chautagne et Jongieux et les rives du Léman et Arves.

 

La cluse de Chambéry et la combe de Savoie

Planté au sud-est de Chambéry, dans la vallée et sur les pentes de la combe de Savoie, devant le massif des Bauges, ce vignoble, le plus vaste, se situe, avec l'appellation Abymes près des Marches, dans l'aire délimitée de l'Apremont, du nom de ce petit village établi au milieu des roches chaotiques, restes de l'éboulement du Mont-Granier en 1248. On est ici au cœur du plus grand secteur viticole savoyard (500 hectares), aux portes du Parc naturel régional de la Chartreuse.

 

Maison de la Vigne et du Vin à Apremont

 

 

En face, sur les contreforts des Bauges, Chignin est célèbre pour son appellation Chignin-Bergeron avec un cépage exclusif, la Roussane ou Bergeron. Blanc complexe, sec en bouche avec des senteurs de fruits, ce vin peut se garder quelques années. Michel Quenard, président du Syndicat régional des vins de Savoie, continue à Torméry, près de Chignin, le travail de son père. A l'exemple des Côtes-Rôties dont une grande partie des terrasses a été remis en culture, il a replanté en 1980 sur les coteaux huit hectares de Roussanne (Bergeron). Résultat : un blanc au nez puissant à la bouche ample et au final très chaleureux vinifié par Guillaume, le fils de Michel. Belle touche minérale pour le Chignin-Bergeron Les Terrasses 2005.

 

 Michel Quenard (à gauche) dans son caveau à Torméry (Chignin) et Michel Bouche (directeur du CIVS)

 

Le sol du Bergeron,  coupe de terrain

Le long de la route d'Albertville, sur la « rive » est du massif des Bauges, à quelques encablures du village d'Arbin, les frères André et Daniel Genoux ont repris l'affaire de leur parents venus s'installer dans la combe de Savoie à Arbin sur un domaine qui existait déjà au…IIe siècle autour d'une villa gallo-romaine.

Successivement cultivé par les moines du prieuré d'Arbin puis par les Chartreux, ce vignoble, Château Mérande, qui s'étendait sur plus de 200 hectares avant la crise du phylloxéra est désormais exploité sur 12 hectares. Sept hectares sont réservés à la Mondeuse avec des vieilles vignes qui savent exprimer la typicité du cru. Deux hectares sont plantés en Roussane, et sur les trois hectares restant, on trouve de l'Altesse, du Gamay et du Jacquère. Comme chez Michel Quenard, les frères Genoux ont remis en culture sur les flancs de la colline d'anciens coteaux où, avec leur associé Yann Pernuit, ils pratiquent depuis 2000 la biodynamique, une approche qui permet de valoriser les sols en accord avec le cycle de la vigne.

 

 

Vendange au Domaine Genoux

 

« Depuis des générations, nous travaillons dans la plus pure tradition du respect de la terre, explique Daniel Genoux, labours, non-utilisation de désherbants, emploi du souffre et du cuivre uniquement pour les traitements et ceci sur les seuls coteaux où la mécanisation est exclue et où nous avons conservé terrasses, haies et bosquets. » Ainsi, le domaine Genoux offre des vins à forte personnalité comme le Grand Blanc en Chignin-Bergeron 2008, le prince des vins élevé sur les vignes les plus hautes de Savoie, ou La belle romaine, en Arbin Mondeuse vinifiée en grappes entières ou semi-éraflées. Cette Mondeuse, cousine de la fameuse Syrah du couloir rhodanien. Autant dire un vin très tannique ne demandant qu'à vieillir.

 

 

La Noire, Mondeuse, Château de Mérande de Daniel Genoux

 

 

La Chautagne et Jongieux

En partant de Chambéry, suivre la route sur la rive est du lac du Bourget, à la hauteur du village de Brisson, belle vue sur l'abbaye royale de Hautecombe. Ce monastère cistercien du XIIe siècle qui abrite la nécropole des princes de Savoie est un des sites savoyards les plus visité. A Brisson, on pourra s'arrêter à l'auberge du même nom pour déguster les poissons de Mickaël Ranson, pêcheur professionnel, avant d'atteindre Ruffieux à une altitude de 350 mètres, cœur de la Chautagne au nord du lac.

 

 

Sur 150 hectares, les viticulteurs de la cave coopérative produisent 8 000 hectolitres en AOP. Essentiellement en Jacquère, Gamay, Mondeuse et Pinot. Stéphane Vincent, directeur de la cave précise : « Nous regroupons cinquante deux coopérateurs apporteurs qui travaillent sur des vignes à 80% enherbées, ce qui permet d'éviter l'usage de désherbants. Sur ces pentes de molasse (silice en fine couche), on vendange à la main, surtout du Jacquère. Nous sommes d'ailleurs en train d'essayer avec ce cépage, le plus répandu en région Savoie, de mettre au point un Crémant de Savoie pour le valoriser ».

 

 

Le Rhône au pied des coteaux de Marestel, vignoble de Jongieux 

 

Depuis Ruffieux, pour atteindre le vignoble de Jongieux, la route passe par le charmant village de Chanaz situé sur le canal de Savière long de quatre kilomètres qui relie le lac du Bourget au Rhône. Sur les berges, des petites guinguettes accueillent les promeneurs dans un environnement bucolique et champêtre avant de laisser place aux contreforts des reliefs bordant la rive ouest du lac du Bourget. De l'autre côté du lac, le vignoble de Jongieux s'étend sur cinq communes, principalement autour du village éponyme, entre 250 et 500 mètres d'altitude entre les méandres du Rhône et le mont de la Charvaz.

Jacquère, Chardonnay, Altesse, Malvoisie en blanc et Gamay, Pinot noir et Mondeuse en rouge représentent les cépages de l'AOP Jongieux. On aura une tendresse particulière pour l'Altesse qui donne les célèbres Roussettes de Savoie notamment avec le cru Marestel. Situé au dessus du hameau d'Aimavigne (le nom de s'invente pas…), le coteau du Marestel a été remembré et réaménagé en 1990 et les chemins réhabilités. Le résultat donne un superbe paysage vallonné à perte de vue où il fait bon se promener.

 

Coteaux de Marestel, vignoble de Jongieux

 

Les rives du Léman et l'Arve

Des grands vignobles qui existaient au début du XXe siècle dans la vallée de l'Arve, il ne reste que quelques vignes autour d'Annemasse et près du village d'Ayze sur les pentes ouest du Môle, à côté de Bonneville. Sur une vingtaine d'hectares, pousse un cépage unique, le Gringet ainsi que l'Altesse et la Roussette d'Ayze. Le vin d'Ayze est essentiellement vinifié en « bulles » selon la méthode champenoise. Noble et pétillant, il offre un petit côté citronné rafraichissant. Plus loin vers le lac Léman, au cœur du Chablais français se trouvent les beaux terroirs de Crépy et Marignan et à Thonon-les-Bains les vignoble de Ripaille et Marin. Comme nos amis suisses de l'autre coté du lac : un cépage pour le blanc : le Chasselat.

Pour avoir goûté le château de Ripaille 2010, le rapport prix-plaisir est indéniable. Ce vin est produit dans l'ancienne résidence des ducs de Savoie achetée à la fin du XIXe siècle par un industriel Frédéric Engel-Gros. Amoureux du lieu, il le restaura, bâtiments, jardins et parc. Entouré de 22 hectares de vignes, le château de Ripaille a une situation privilégiée avec un sol graveleux et perméable. Récemment, la gamme s'est enrichie d'un vin rouge fait à base de pinot noir et d'un rosé vinifié à partir de gamay.

 

 

On le voit la richesse du vin de Savoie est infinie et l'amélioration de la qualité est une des priorités du Comité interprofessionnel des vins de Savoie (CIVS). Depuis les années 1995, les vignerons savoyards se sont investis dans la culture biologique. En 2010, sur les 530 exploitations, une trentaine s'étaient tournée vers l'agriculture biologique (AB), avec une tendance à la hausse. Il ne leur reste plus qu'à mieux se faire connaître pour notre plus grand plaisir.

 

 

Pierre Viallet président du CIVS

 
André Degon

 

Notes :

* AOP : Depuis août 2009 et l'adoption de la réglementation européenne sur les vins, les AOC sont officiellement devenues appellation d'origine protégée (AOP). La reconnaissance d'une AOC en France est une étape préalable à sa reconnaissance finale au niveau européen en tant qu'AOP. En cas de refus d'enregistrement en AOP, le produit perd le bénéfice de l'AOC.

** L'Altesse. Ce cépage aurait été ramené de Chypre en 1450 par la princesse Anne de Chypre de Lusignan, épouse du duc Louis I de Savoie.
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Pour information :

- Maison Vigne et Vin, l'œnothèque, 73 190 Apremont. Tel. : 04 79 33 44 16.
http://www.vindesavoie.net. Regroupe les instances des vins de Savoie, notamment le Comité interprofessionnel des vins de Savoie (CIVS), un laboratoire et une salle de dégustation. Fermé le lundi.

 

Nos coups de cœur :

-  Maison Philippe Viallet, route de Myans, Le Clos Réservé, 73190 Apremont. Tél: 04 79 28 33 29. Pour son Chignin Bergeron « Les Bouillettes » blanc 2010.
- Domaine Ripaillle, Thonon-les-Bains 74 200. Tel : 04 50 71 75 12. http://www.ripaille.fr/. Pour le Château Ripaille blanc 2010.
- André et Michel Quenard, Torméry - 73800 Chignin. Tél. 04 79 28 12 75. http://www.am-quenard.fr/. Pour les Vieilles vignes blanc 2010 et le brut de Savoie méthode champenoise.
- Domaine Jean Masson et fils, Le Villard, 73190 Apremont. Tél: 04 79 28 23 02. Pour l'Apremont cuvée Nicolas blanc 2011.
- Domaine Genoux, Château de Mérande,73800 Arbin. Tel: 04 79 65 24 32. http://www.domaine-genoux.fr. Pour le Comte Rouge, Arbin Mondeuse 2007 Château de Mérande. Tannique. Demande à vieillir.

 

Où se restaurer

- Auberge Saint-Vincent, le Gaz, 73190 Apremont. Tél. 04 79 28 21 85. http://www.restaurant-le-saint-vincent.fr/. Face à la Maison Vigne et Vin, menus 18 euros à 38 euros. Pour les filets de Fera sur la peau et risotto Carnarolli aux cèpes.

 

 

- Atmosphères, 618, route des tournelles, 73370 Le Bourget du Lac. Tél : 04 79 25 01 29. http://www.atmospheres-hotel.com. Une étoile Michelin. Menus de 29 euros à 82 euros.

 

Perche du Lac du Bourget meunière, déclinaison de Chou-rave Col-rave (restaurant Atmosphères)

Egalement pour la noisette de chevreuil rôti aux baies de genièvre, poêlée de cerfeuil tubéreux. Bel accueil de Delphine Pontet et Alain Perillat au piano. Décor minimaliste, épuré, vue somptueuse sur le lac du Bourget.

- Restaurant Le Panôramic, Monterminod, 260, chemin des vignes, 73230 Saint-Alban-Leysse. Tel. : 04 79 85 28 99. http://www.lepanoramic73.com/. Menus 35, 47 et 55 euros. Midi : deux plats 17 euros, trois plats 22 euros. Delphine est en salle, Siôn Evans a quitté le Pays de Galles pour les montagnes savoyardes pour notre plaisir. Il officie aux fourneaux. Pour la déclinaison de foies gras et sa belle pintade rôtie. Belle terrasse face au lac.

Restaurant Les Morainières, route de Marétel 73170 Jongieux. Tél : 04 79 44 09 39 www.les-morainieres.com. Nous n'avons pu malheureusement nous arrêter chez Ingrid et Michaël Arnoult (Deux étoiles Michelin), sur le coteau de Marestel dans cet établissement gastronomique à belle réputation. Menus 48, 68, 95 euros. A découvrir.

 

Où séjourner

- Atmosphères au Bourget-du Lac (adresse : lire "où se restaurer"). Quatre chambres dont trois avec vue sur le lac (balcon). La vue sur la montagne bénéficie d'une terrasse de 30 m2). De 120 à 140 euros (mini suite), petit-déjeuner : 13 euros par personne.