L'affaire Saint Fiacre
Quel est donc le point commun qui relie Anne d'Autriche, un hôtel parisien du XVIIème siècle, une voiture attelée, un chauffeur de taxi, le commissaire Maigret avec les jardiniers ? un nom irlandais : Fiáchrac. Fiáchrac est le patronyme d'un moine irlandais plus connu chez nous sous le nom de Saint Fiacre. Arrivé en France au début du VIIème siècle pour y exercer, entre autres choses, ses talents de phytothérapeute et de guérisseur et son rôle d'intercesseur - celui qui plaide auprès de Dieu en faveur des autres - la notoriété de notre saint homme déborda rapidement les limites du prieuré du Breuil situé dans la région de Meaux pour gagner de nombreuses régions de France, du Royaume Uni, des Flandres, d'Allemagne.
Reportage fleuri : Chantal Royer ©
Il fut très vite connu pour soigner et guérir principalement les hémorroïdes, les chancres et autres tumeurs …De la guérison aux miracles, le culte de Saint Fiacre était né et sa réputation traversa bientôt les frontières et le temps :
- Anne d'Autriche, fort dévote, ne vint-elle pas à pied en pèlerinage jusqu'à Saint Fiacre en 1641 pour remercier le saint de la guérison de son époux ? Louis XIV s'y rendit également en 1683
- L'hôtel Saint Fiacre situé rue Saint Antoine aurait été ainsi nommé en hommage au saint guérisseur dont l'effigie trônait sur la façade.
- Concernant la voiture attelée elle aurait été appelée « voiture fiacre » car l'hôtel parisien était devenu une maison de carrosses de louage. On allait donc chercher son « fiacre » qui au fil du temps se modernisa pour devenir … taxi. Et c'est ainsi que le patronage de Saint Fiacre aurait été attribué aux chauffeurs de taxi.
- Quant au commissaire Maigret, non il ne nous a guère aidés dans cette enquête. L'affaire Saint Fiacre, roman de Georges Simenon, magistralement porté à l'écran par Jean Delannoy et interprété par Jean Gabin, Robert Hirsch, Michel Auclair se déroule dans un village de Saint-Fiacre totalement imaginaire situé dans l'Allier et les châtelains éponymes n'existaient pas.
L'auteur se serait inspiré de lieux et personnages réels mais alors pourquoi Saint-Fiacre ? Aurait-il voulu rendre hommage à notre moine espérant ainsi résoudre quelques problèmes fondamentaux ?
Statue de Saint Fiacre (XVè) en l'église Saint Taurin d'Evreux
Quoiqu'il en soit le culte de Saint Fiacre a traversé les siècles et reste bien vivant. On compterait plus de 500 statues de Saint-Fiacre, dont près de la moitié sont antérieures au XVIIème siècle. L'iconographie le représente généralement avec un livre et une bêche. Une bêche … et voilà que nos jardiniers entrent en scène …
Dès le XIVème siècle Saint Fiacre devint le saint patron des jardiniers, et par extension des arboriculteurs, cueilleurs de champignons, fleuristes, horticulteurs, maraîchers, pépiniéristes et treillageurs. Chaque année dans de nombreuses villes ou villages d'Irlande, d'Ecosse, d'Angleterre, de France, d'Allemagne, de Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas … des célébrations sont organisées par les communes, comités, confréries, paroisses et associations placées sous le patronage de Saint Fiacre. Et tous les 4 ans se tiennent des rencontres internationales.
En ce 5 octobre 2013, c'est au jardin de la France que se déroulaient les fêtes internationales Saint-Fiacre réunissant à Tours 500 « FIACREUX » en 32 délégations dont 7 venues d'Allemagne de Belgique, d'Irlande et du Grand Duché du Luxembourg. La tradition fut respectée. La messe solennelle en la cathédrale Saint-Gatien était accompagnée de chants grégoriens propres au rituel de Saint Fiacre.
La cathédrale Saint-Gatien
A l'intérieur, 18 chapelles latérales avaient été engazonnées, décorées, ornées de tableaux de fleurs et de fruits miroitant sous les rayons de soleil multicolores filtrés par les vitraux. Les professionnels, fleuristes, horticulteurs, pépiniéristes, paysagistes s'étaient mobilisés et de nombreux jardiniers amateurs apportèrent leur contribution à ces créations spectaculaires
Foi de tourangeaux – et ils furent très nombreux à venir admirer ces chefs d'œuvre éphémères – on n'avait jamais vu la cathédrale ainsi parée. Balzac et « le bon curé de Tours » n'auraient point reconnu leur église non plus que le superbe cloitre de la Psalette dont le scriptorium abritait pour la circonstance une belle exposition philatélique dédiée … aux fleurs, aux fruits et aux jardins.
Après la cérémonie, les délégations se dirigèrent vers le centre de de la ville.
Les « fiacreux », certains en costumes traditionnels régionaux, porteurs de bannières, de brancards fleuris arborant les statues de leur saint patron, poussant brouettes ou tirant carrioles débordant de grappes de fruits et de fleurs se déployèrent dans la ville en un long cortège festif, coloré et pittoresque frayant son chemin devant les yeux étonnés de la foule consumériste des samedis.
Dans son « journal de Paris » Jean Chalon écrivait : « Etre jardinier, c'est être comme le Bon Dieu, c'est donner vie et beauté avec de la terre, de l'eau et des graines »
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A Tours, au cœur du Jardin de la France, les jardiniers de Saint Fiacre n'ont pas fait mentir l'écrivain. En honorant leur saint patron Ils nous ont aussi offert des instants de vie, de beauté et une part de rêve.
Jardiner fatigue, c'est bien connu. Honorer Saint Fiacre comme il se doit comporte aussi quelques instants où le repos devient nécessaire. La preuve par sept :
