Au Musée de l'Orangerie : l'Aventure du Cavalier Bleu

 

L'idée du Cavalier Bleu est née d'une formidable effervescence, d'une étroite connexion entre des scènes artistiques européennes. Ce mouvement devait, selon les mots de Marc, " devenir l'appel qui rassemble les artistes de la nouvelle époque". Dés l'été 1911, Vassily Kandinsky chef de file de la Nouvelle Association des Artistes Munichois(NKVM) projette de publier un Almanach, l'Almanach du Cavalier Bleu, qui fédérerait une avant-garde. 

 

 

 

A gauche :Gabriele Münter
Franz Marc und Wassily Kandinsky avec la maquette de l'almanach  du Blaue Reiter, Munich, 1911
Gabriele Münter- und Johannes Eichner-Stiftung, Munich Inv.-Nr. 2207
© Adagp, Paris, 2019

A droite :   Franz Marc
Vasily Kandinsky
Der Blaue Reiter Almanac, 1914
Publisher: R. Piper & Co., Munich, 2nd edition
Neue Galerie New York. Gift of Allan Frumkin
© Neue Galerie, New York

 

Ce nom, le Russe et l'Allemand l'ont trouvé en buvant un café sous une tonnelle. " Nous aimions tous deux le bleu, Marc aimait les chevaux, moi les cavaliers " dira Kandinsky.

Capitale de la Bavière, Munich est au tournant du siècle une des villes les plus importantes d'Europe. Bien qu'il y règne un esprit très conservateur, elle attire de nombreux artistes. " Le Cavalier Bleu, avec ses allusions à la légende de Saint Georges  symbolise la lutte du Bien contre toutes les arrière- gardes"  souligne Cécile Debray, commissaire de l'exposition.

 

 

 

Le parcours de l'Orangerie couvre une période très brève, de 1909 à 1914 et met en parallèle l'évolution de Marc et de Macke et leur participation  à l'Almanach et aux expositions organisées par le Cavalier Bleu.

 

 

 

Page de titre tirée de Briefe aus dem Feld

(Lettres du Front) de Franz Marc,

(Berlin: Rembrandt-Verlag, 1940).

Image-Archive IKARE,

Halle-Wittenberg; © Antje Seeger

August Macke
Clown, autoportrait caricature, 1913
[Clown, karikiertes Selbstporträt]
Huile sur carton, 53 × 40,5 cm
Chemnitz, Städtische Kunstsammlungen, prêt permanent de la collection Claus Hüppe
© Sammlung Claus Hüppe

 

Les deux artistes se rencontrent en 1910. Franz Marc  est l'ainé: il a trente ans. August Macke, vingt trois. Si différents qu'ils soient, Franz l'introverti et August l'expansif vont vivre une amitié indéfectible. Ils ne  cesseront jamais de correspondre. A Munich, August découvre chez le galeriste Brakl des oeuvres de Franz. Enthousiasmé, il sonne à sa porte.  Les deux jeunes gens admirent Cézanne, Gauguin, Matisse, Picasso.

 

Paul Cézanne
Vase paillé, sucrier et pommes
1890-1893
Huile sur toile
Paris, Musée de l'Orangerie
© RMN-Grand Palais (musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski

 

August Macke
Joueuse de luth
(Lautenspielerin)
Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI

 

Ils  séjournent en famille tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, voyagent ensemble, rendent visite à Paris à Robert Delaunay. C'est Marc qui entraine Macke dans l'aventure du Cavalier Bleu. Et c'est l'oncle d'Elisabeth Macke, l'épouse d'August, Bernhard Koelher, collectionneur et mécène qui  prend  les deux amis sous son aile. 

 

Franz Marc
Paysage avec maison et deux vaches, 1914
[Landschaft mit Haus und Rindern]
Huile sur toile, 66 × 71 cm
Merzbacher Kunststiftung
© Merzbacher Kunststiftung

 

L'ainé qui a pensé un temps devenir pasteur, approche l'art de façon quasi mystique. Il s'immerge dans la nature bavaroise, privilégie les grands formats et trouve dans l'animal, "témoin de la pureté originelle", son principal motif pictural. Plus réservé quant à la conception spirituelle de la peinture prônée par Marc et Kandinsky, Macke, lui n'a de cesse de célébrer un certain hédonisme, les joies simples de l'existence. Il réside à Bonn, un peu éloigné de l'agitation munichoise.

 

 

 

 

Pour l'Almanach, uniquement rédigé par des artistes et consacré à toutes les formes de l'art, Marc préside avec Kandinsky le comité de rédaction tandis que Macke signe un texte, " Les Masques"  où s'affirme son goût pour le primitivisme. Les toiles de Franz et d'August voisinent dans la première exposition du Cavalier Bleu, en décembre 1911, aux côtés de celles de Henri Rousseau et Robert Delaunay.

 

Henri Rousseau dit Le Douanier
Promeneurs dans un parc, Vers 1908-1909
Huile sur toile
Signé en bas à gauche en blanc : H. Rousseau
© RMN-Grand Palais (musée de l'Orangerie) / Hervé Lewandowski

 

En février 2012, une dernière exposition sonne le glas du mouvement, miné par des dissensions : " Le Cavalier Bleu, Noir et Blanc " dédié à des oeuvres graphiques, avec la participation de Paul Klee et de quatre membres du groupe d'expressionnistes Die Brücke (le Pont). Macke a déjà pris ses distances avec le Cavalier Bleu sans que son amitié pour Marc en souffre. Bientôt, Marc pour dit-il "accéder à une véritable ascèse" supprime toute forme de vie de ses toiles. Les animaux se disloquent. Sa quête n'a rien de comparable mais Macke, lui aussi, s'essaie à l'abstraction, une abstraction purement géométrique.

 

Franz Marc
La Cascade (Femmes sous une cascade), 1912
[Der Wasserfall (Frauen unter einem Wasserfall)]
Huile sur toile, 165,5 × 158,5 cm
Collection particulière
© Maurice Aeschimann

 

Chez l'un comme chez l'autre, les couleurs éclatent. Pour August, un voyage en Tunisie avec Paul Klee aura été décisif. Envoyé au front, August Macke meurt en septembre  1914. Franz Marc rédige son éloge funèbre avant de disparaitre, à son tour, en mars 1916. 

 

Marianne Lohse

 

Musée de l'Orangerie,3 Place de la Concorde, Jardin des Tuileries ( côté Seine).

information@musee-orangerie.fr. Jusqu'au 17 juin 2019