Au Marché Dauphine, Balade dans le monde des Invisibles de la Guerre froide

 

 

Les Puces de Saint-Ouen ont certes souffert de la pandémie (les marchands ont obtenu un soutien financier et l'extension des horaires d'ouverture) mais aujourd'hui les chineurs affluent à nouveau sur ce site riche en trouvailles avec ses douze marchés couverts. Le Marché Dauphine y étend ses 6.000 m² sous une verrière inspirée de celles de Baltard.

L'éclectisme y est la règle et la Galerie du premier étage reflète bien cet esprit avec ses manifestations ouvertes à toutes les disciplines artistiques et aux collectionneurs. L'idée de l'exposition "Les invisibles de la guerre froide, KGB et Stasi " est née d'une rencontre de Béatrice Mellet, gérante du Marché Dauphine avec Stéphanie M. Comment ne pas s'interroger sur Stéphanie M. dont on voit pour la première fois l'extraordinaire collection, sur sa fascination pour ces objets réunis en l'espace d'une dizaine d'années? Madame M. entend rester discrète et nous ne saurons rien d'elle sinon qu'elle est française et que pour elle tout commence  avec l'acquisition, sur eBay, d'un appareil photo miniature F21 Ajax du KGB équipé d'un déclencheur manuel datant de 1970.

 

Appareil photo KMZ F-21 " Ajax " avec dispositif cache-bouton et déclenchement manuel. Produit à partir de 1951. L'objectif de l'appareil photo est masqué par le bouton qui s'ouvre transitoirement pour la prise de vue

 

 

Depuis, sa collection s'est régulièrement agrandie de pièces essentiellement découvertes dans les anciens pays du bloc de l'Est. Echanges et achats ont notamment été réalisés avec le " Bunker KGB Museum" de Kaunas (Lituanie) et le " KGB Spy Museum" de New York. Pendant la guerre froide, il s'agit de détecter les éventuels préparatifs d'attaques de chaque côté du Rideau de Fer. L'interception de messages cryptés ou non devient la première source de renseignements d'où les très nombreux récepteurs, caméras et appareils photographiques présentés ici.

 

Le clou de l'exposition? La "Fialka", la plus ancienne machine  soviétique électro-mécanique de chiffrement/déchiffrement. Equivalent de la célèbrissime Enigma utilisée par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, elle pouvait produire plus de 500 milliards de codes.

 

Rarissime machine de chiffrement/déchiffrement électro-mécanique à 10 cylindres " FIALKA " (URSS) pour communications cryptées. " FIALKA " signifie " VIOLET ". Il s'agit du modèle précoce M-125. La machine " FIALKA " a été produite de 1956 à 1990, et déclassifiée du secret en 2005 (la M-125 a été très utilisée par le bloc de l'Est de 1960 à 1970). La machine " FIALKA " soviétique est connue comme la version optimisée et inviolable de la machine ENIGMA allemande (3 ou 4 cylindres) de la 2ème guerre mondiale. La machine " FIALKA " peut produire plus de 500 milliards de codes. Cette machine N°31109 soviétique (provenant du KGB de Moscou) est la plus ancienne des machines " FIALKA " connues, avec un caractère unique par touche (celle-ci est présentée sur le site de référence " Cryptomuseum "). Aucun autre exemplaire connu présentant un caractère par touche. Les opérateurs en formation devaient signer un contrat les interdisant de voyager hors de l'URSS pendant 2 années. Présence d'un sceau du KGB.

 

 

On s'attarde volontiers devant le prototype d'un " Photo Sniper" à l'appareil Reflex Zenit E monté sur une crosse-fusil (produit par l'URSS vers 1965). Il était très utilisé par le contre-espionnage et les gardes frontières.

 

Exemplaire unique : prototype (non-numéroté) du " Photo-Sniper " FS-3 (ou " Foto-Snaiper " FS-3) fabriqué par KMZ (URSS), vers 1964-1965. La version finale du " Photo-Sniper " FS-3 a été produite principalement de 1965-1969, jusqu'à 1982. Ce prototype est équipé de l'appareil photo Reflex " Zenit E " SLR (film de 35 mm) modifié (" Zenit ES " sur la version finale), qui utilise un connecteur spécifique pour déclencher l'appareil photo par pression sur la détente de la crosse-fusil. L'objectif (ouverture max = f/5.6) est aussi un prototype (non numéroté) développé spécifiquement pour le système " Photo-Sniper ", avec une fixation à vis de type M42 sur l'appareil photo. La version finale du " Photo-Sniper FS-3 " a été utilisée par la 2ème direction principale (contre-espionnage), 7ème direction (surveillance des nationaux et étrangers) et les gardes-frontières du KGB (URSS).

 

On s'attarde également sur ces boutons de manchettes en argent réalisés pour le KGB dissimulant un compartiment secret pour un microfilm ou une capsule de cyanure, sur les passeports d'agents de la Stasi.(un faux couple) en mission en RFA, sur ces photos uniques, du chef des renseignements extérieurs de la Stasi, Markus Wolf surnommé "l'Homme sans visage " ou de Iouri Andropov entouré de toutes les têtes du KGB.

 

 

 

Pièce de monnaie " One dollar " US (1974) avec compartiment secret (pour microfilm, microdot, etc.). KGB & CIA

 

Boutons de manchettes (argent 875/1000) fabriqués à Sverdlovsk en 1961 pour le KGB (URSS), avec compartiment secret (microdot/microfilm, etc.). Production de 1958-1967

 

On s'attarde encore sur ce pass dérisoire permettant de pénétrer, muni d'un détecteur, dans l'enceinte de Tchernobyl. Le plus réjouissant ? Cet étendard richement brodé destiné à célébrer les quarante ans de la Stasi en 1991 soit deux ans après la chute du Mur.

 

 

Plaque avec l'emblème de la STASI (RDA). Cette plaque en bronze dorée au cuivre (4,6 kg) a été produite pour la commémoration du 25ème anniversaire de la STASI en 1975 et devait orner un office régional de la STASI.

 

 

Marianne Lohse

Jusqu'au 22 novembre 2020.
Galerie Dauphine

Marché Dauphine,132-140 rue des Rosiers 93400 Saint-Ouen

www.marché-dauphine.com