Et si la culture était un antidote à la crise? A Guimarães (prononcez Guimaraech), petite ville de 52.000 habitants dont la moitié a moins de trente ans, ce qui en fait l'une des cités les plus jeunes d'Europe, on le croit dur comme fer. Hier capitale du Portugal- le premier roi du pays, Afonso Henriques est né ici, à l'aube du XIIème siècle- aujourd'hui capitale culturelle européenne 2012, Guimarães a entamé la reconversion de bon nombre de ses usines textiles en centres d'architecture, de design. Ou de studios de cinéma. Exemple, la fabrique ASA où l'on produisait couvre-lits et serviettes de bain. Une activité définitivement arrêtée en 2006, 24000 m² désaffectés. Jusqu'à la création d'un centre culturel investi par peintres et vidéastes.
Château de Guimãres
Photo : CMG
Reportage Marianne Lohse
Si maigre que soit son budget (111 millions d'euros, après amputation de 30%, rigueur oblige), Guimarães n'en prévoit pas moins 600 événements jusqu'au 22 décembre. Dont une exposition dédiée à Christian Boltanski. Et un cycle de courts métrages spécialement réalisés par des auteurs comme Jean- Luc Godard (qui présentera son premier film en trois D), Aki Kaurismaki ou Peter Greenaway. Cette programmation attirera-t-elle le million et demi de visiteurs attendus? On peut le parier. D'autant que la vieille ville séduit de plus en plus de touristes.
Logo de Guimarães, capitale européenne de la culture
S'y promener donne l'illusion de flâner dans un village. C'est un quartier préservé, un musée à ciel ouvert. Fenêtres à fleur de façade ou agrémentées de balcons de bois, ruelles aux pavés usés, maisons patriciennes de granit sobrement ornées, églises d'un baroque volontairement modeste (en réaction au baroque espagnol) : Guimarães charme par sa simplicité. Les Portugais n'ont eu de cesse de la restaurer, de l'embellir. «Il y a une trentaine d'années, la veille ville se délitait. Un vrai ghetto. En décembre 2001, après bien des travaux, nous avons obtenu son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco» raconte le maire- adjoint, Francisca Abren.
Réappropriation des espaces publics, utilisation de matériaux d'époque (par chance, les maisons repeintes de fraiches couleurs pastel ont eu le temps de se patiner), maintien du tissu social : c'est une réussite. Dans les rues piétonnes, autour de l'église de Nossa Senhora Da Oliveira et de la Place Santiago, l'atmosphère est plutôt gaie.
Autour de Notre Dame de Oliveira
Des bars branchés cohabitent avec des échoppes de barbiers et des merceries comme on n'en fait plus. De fabuleux gâteaux trônent dans les vitrines : ici, on se transmet précieusement des recettes de couvent. Les plus recherchées? Celles des sœurs Clarisses. A la pâtisserie Casa Costinhas, chaque jour, Maria confectionne ses fameux chaussons au potimarron. Dés qu'il fait doux, la vieille ville vibre intensément. Les terrasses sont pleines jusqu'à une heure avancée de la nuit, des cohortes d'étudiants en tricorne et cape noire mêlent leurs chants à ceux, endiablés, de groupes brésiliens de capoéiristes...
Place de Oliveira
On ne manquera pas de visiter l'église collégiale de Nossa Senhora da Oliveira. Flanquée d'un «padrão» gothique (arche de pierre), le Padrão do Salado, elle a été édifiée au XIVème siècle, en hommage à la Vierge de l'Olivier, à l'emplacement du monastère Mumadona. A deux pas de là, le musée Alberto Sampaio abrite les trésors de la Collégiale dont l'un des prieurs, Pedro Hispano, fut élu pape, en 1276, sous le nom de Jean XXI.
Puis l'on empruntera la Rue Santa Maria qui grimpe jusqu'au au Château. Percée au XXIIème siècle, elle relie deux symboles forts, deux icones de la «ville berceau» : l'ancien monastère et, sur la colline, la forteresse destinée à protéger moines et pèlerins. La rue Santa Maria a gardé un air bucolique: ravissante petite place plantée d'orangers, jardins ombreux derrière leurs murs de pierre sèche…De beaux édifices la jalonnent comme le couvent Santa Clara (aujourd'hui hôtel de ville), la Casa do Arco, la Casa dos Peixotos.
Palais des Ducs de Bragance
Non loin du Château, le Palais des ducs de Bragance (XVème siècle) dresse son énorme masse curieusement coiffée de toits à pente et de cheminées cylindriques. Un exemple architectural unique sur la Péninsule ibérique. Réhabilité sous Salazar, le Palais, résidence des chefs d'état portugais, abrite un musée riche en meubles coloniaux. Tout en haut, campé sur son éperon rocheux, le Château a fière allure avec ses remparts crénelés, son imposant donjon entouré de sept tours carrées, son pont levis. Du chemin de ronde, on découvre la verte campagne environnante que domine le mont Penha. Afonso Henriques, fils d'Henri de Bourgogne et de Dona Teresa, y naquit. Et pour défendre l'indépendance du comté de Portucale, vainquit même les troupes de sa propre mère, alliée à la Galice. La bataille de São Mamede est entrée dans la légende. Comme celle d'Ourique où le jeune comte triompha des Maures et devint le premier souverain du Portugal, sous le nom d'Alphonse Ier.
Statue d'Alphonse 1er
Photo : CMG
Après avoir exploré le centre historique, si bien préservé, reste à découvrir la ville nouvelle, tracée au XIXème siècle. Réaménagée pour 2012, la place du Toural est bordée d'élégants bâtiments d'architecture pombaline.
Place du Toural
Dans les rues voisines, jolies boutiques et restaurants gastronomiques parlent d'une époque plus prospère. Une «Plateforme des Arts» devrait bientôt s'installer sur le lieu de l'ancien marché. Les édiles veulent en faire «une pépinière de projets et de micro-entreprises».
Plateforme des Arts et de l'Architecture
Egalement en cours de création : un musée municipal qui exposera de façon permanente l'oeuvre de l'enfant chéri du pays, le peintre José de Guimarães.
On ne quittera pas la ville sans une visite Vila Flor. Sur les façades de ce palais du XVIIème siècle, s'alignent les statues des premiers souverains portugais. On a construit, dans son enceinte, un auditorium de verre flambant neuf. Rendez vous de l'intelligenzia locale, un agréable café donne sur les jardins. Heureux dialogue où la modernité intègre sans problème l'héritage du passé.
Marianne Lohse
Pratique
S'informer. www.visitportugal.com www.guimaraesturismo.com
Y aller.
Avec Tap Portugal. La compagnie aérienne offre quatre vols quotidiens pour Porto, au départ de Paris-Orly-Ouest (Guimarães se situe à une cinquantaine de kilomètres de l'aéroport d'arrivée). A partir de 133 € A/R TTC en classe économique. Et de 531€ A/R TTC en classe affaires. Informations et réservations auprès des agences de voyages ou au 0 820 319 320 (0,12 €/mn. www.flytap.fr
Se loger.
Pousada Nossa Senhora da Oliveira. En plein cœur historique, entouré de ruelles médiévales, cet ancien manoir dont les fenêtres donnent sur la plus belle église de la ville, offre 16 chambres dont 6 suites sobrement décorées. A partir de 86€ pour deux nuits réservées. Rua Santa Maria. Tel : + 351253 514 157 www.pousadas.pt.
Pousada de Santa Marinha. Sur le flanc ouest du mont Penha (une voiture est recommandée), cet ancien monastère édifié par des Augustins, au XIIème siècle, est devenu propriété privée en 1834. Acquis par l'état, patiemment restauré, c'est aujourd'hui un hôtel cinq étoiles. Nobles proportions, plafonds voutés, escaliers revêtus d'azulejos. 51 chambres (les anciennes cellules des moines) donnant sur une grande galerie. Les jardins, la piscine extérieure ajoutent encore au charme des lieux. A partir de 178€. Largo Domingos Leite de Castro. Tel : + 351 253 511 249 www.pousadas.pt
Casa de Sezim. Propriété de la famille Pinto de Mesquita depuis 1376, ce domaine viticole, à cinq kms au sud-est de la ville, offre huit chambres toutes pourvues d'une salle de bains et d'une terrasse privée. On aime les parquets anciens, les lits à baldaquin, les papiers peints panoramiques de Zuber du XIXème siècle représentant la découverte de l'Amérique ou les fastes de l'Inde, les superbes jardins. Les crus de vinho verde maison se dégustent en flânant au bord de la piscine. Le maître des lieux organise visites guidées et tours de caves. A partir de 90€. Rua de Sezim. Tel : + 351 253 523 000 www.sezim.pt
Se restaurer (en plus des tables des Pousadas)
Oriental. Les fresques néo-égyptiennes de ce restaurant célèbre dans les années vingt ont disparu, remplacées par un décor contemporain, dans les tons crème, plus anonyme. On y réinvente la cuisine locale façon cantine branchée. Environ 35 €. II Largo de Toural. Tel : + 351 263414 0 48.
Nora do Zé da Curva. Près de la ravissante place Santa Estella. On y savoure une cuisine du Minho aux accents populaires. Epatante bacalhau. Environ 25€.125 Rua Dona Maria II. Tel : + 253 55 4256.
Cheers. On vient et on revient dans ce minuscule troquet, au centre de la vieille ville, pour ses délicieux tapas qu'au Portugal on appelle «petiscos», sa carte en français, son service efficace et sympa. Environ 44 €. 13/15 Praça Santiago. Tel : + 351 25 3161 099.
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