En plein devenir, la capitale du Piémont ne se livre pas d'emblée. Pour peu que l'on soit bon marcheur, elle se découvre, d'une piazza à l'autre, elle se savoure à petites gorgées comme son chocolat qui laissa à Alexandre Dumas un souvenir impérissable. Les JO d'hiver, en 2006, sa désignation, en 2008, comme capitale mondiale du Design, les célébrations des cent cinquante ans de l'Italie, en 2011(le Risorgimento est né ici) n'ont pas tout à fait dissipé sa réputation de cité un peu austère. Une réputation liée à son passé industriel et à celui de Fiat. C'est oublier ses somptueux palais, ses églises baroques, ses façades Liberty, ses musées et ses galeries d'art avant- gardistes, une histoire qui partout a laissé des traces.
Reportage Marianne Lohse
Photos : Office de Tourisme de Turin
Turin fut capitale des ducs de Savoie, capitale royale (avant d'être supplantée par Florence puis par Rome), centre d'un formidable empire économique voué à l'automobile ... Bien des mouvements politiques et artistiques sont nés ici. Des marques très connues y sont implantées : Alessi, Olivetti, Gufram, Pinifarina, Bertone. Les Turinois seraient-ils trop discrets? «Siamo riservati» («nous sommes réservés») sourit notre guide, Chiara. A Turin, on n'a pas le verbe haut, on aime la rigueur, une élégance un brin aristocratique, on affronte les intempéries avec le sourire sous dix huit kilomètres d'arcades jalonnées de boutiques très chic. Bref, on est du Nord.
Les touristes affluent, toujours plus nombreux, séduits par ce charme étrange, l'atmosphère festive qui s'empare aux beaux jours des rives du Pô, la proximité de la France, de la Suisse, des crêtes alpines. Attirés par sa qualité de vie, des Milanais s'installent à Turin tout en continuant à travailler à Milan, à peine à une heure de route! Il faut dire qu'on a entrepris ici des travaux considérables en couvrant notamment les voies ferrées qui scindaient la ville.
Les plus grands architectes, Renzo Piano, Mario Botta, Massimiliano Fuksas ont contribué ces dernières années à redessiner le profil de la cité piémontaise. Symbole d'une reconversion réussie, l'usine du Lingotto, conçue pour la Fiat dés 1916 par Giacomo Matté Trucco occupa des milliers d'ouvriers jusqu'en 1982.On a préservé une rampe hélicoïdale, la piste d'essai sur le toit. Menés par Renzo Piano, les travaux ont duré dix ans. Le Lingotto abrite aujourd'hui des bureaux, deux hôtels, un centre commercial, une aérienne salle de réunion sphérique, la Bolla ainsi que la Pinacothèque Agnelli.
Le Lingotto
Dans le cœur historique, la Piazza Castello attire comme un aimant. Elle rassemble les anciens lieux de pouvoir: le Palazzo Madama qui accueille un musée d'art antique, et le Palazzo Reale aux jardins dessinés par Le Nôtre. On peut y admirer la fabuleuse collection de la Galleria Sabauda (des Savoie). On s'attardera volontiers sous la coupole de San Lorenzo, chef d'œuvre baroque de Guarino Guarini, à deux pas de la Cathédrale (la Chapelle du Saint Suaire, en restauration, y est dédiée au linceul qui aurait enveloppé le corps du Christ. Cette troublante relique, aujourd'hui conservée dans une châsse, proche du choeur, a été montrée de façon exceptionnelle le 27 mars dernier).
San Lorenzo
Par la via Garibaldi, une artère piétonne très animée, on rejoint le Quadrilatère romain, un réseau de ruelles dont le tracé est celui de l'ancien castrum. Petits cafés et restaurants branchés y abondent. Plus au nord, il ne faut pas rater l'Eglise du Santo Volto. Dans ce qui était hier une friche, Mario Botta a transformé la cheminée d'une aciérie en campanile. Porta Palazzo, l'atmosphère se fait plus populaire avec l'immense marché en plein air et, vers la rivière Dora, les Puces du samedi : le célèbre Balôn.
Le marché de Porta Palazzo
Le Balôn
Les Turinois ne manqueront pas de vous rappeler qu'ils ont inventé le vermouth. Et que Turin est depuis le XVIème siècle la ville du chocolat. Bonne raison de s'offrir une pause dans l'un des cafés hantés par les ombres de Cavour, Pavese ou Gramsci.
Notre préféré, c'est le Caffé Torino, Piazza San Carlo. Atmosphère désuète, miroirs dorés et médaillons peints: un lieu délicieux pour l'apericena (littéralement: l'apéritif-dîner), ce rite très turinois qui consiste en buvant, à l'heure de l'apéritif, à grignoter d'excellentes petites choses. Surnommée le Salon de Turin, la Place San Carlo dessinée par Castellamonte, architecte des Savoie, est bordée d'édifices harmonieux. Au centre la statue équestre d'Emanuele Filiberto, réalisée par Carlo Marocchetti, au sud, les églises jumelles de San Carlo et de Santa Cristina.
Piazza San Carlo et statue de Emanuele Filiberto
La spectaculaire Via Pô, s'étire vers le fleuve et le Monte dei Cappucini, un quartier résidentiel très prisé. Jalonnée d'échoppes de bouquinistes et de cafés vénérables comme le Fiorio, elle s'élargit pour devenir la très belle Piazza Vittorio Veneto, entourée d'arcades sur trois de ses côtés.
Côté culture, à Turin, les sollicitations sont multiples, des inépuisables trésors du GAM, la Galerie d'Art Moderne, à la Fondation Mario Merz, du Musée Egyptien à la Mole Antonelliana investie par le Musée du Cinéma.
Musée du Cinéma
On ne quittera pas la capitale piémontaise sans une visite à la Venaria Reale. Patiemment restaurée, cette résidence royale, un rendez- vous de chasse conçu par Castellmonte (encore lui), retrouve peu à peu sa splendeur baroque. Ses appartements, les expositions exceptionnelles qui s'y tiennent (celle consacrée au maître de la Renaissance, Lorenzo Lotto, a fait couler beaucoup d'encre) méritent amplement le détour. Sans parler du parc à la française.
Venaria reale
Grande figure de l'Arte Povera, le plasticien Giuseppe Penone qui sera à partir du 11 juin, l'invité du Château de Versailles dans le cadre de l'Année Le Nôtre, y a imaginé un Jardin des Sculptures Fluides. Le végétal s'y mêle au bronze et au minéral en de troublantes analogies.
Jardin des Sculptures fluides
Pratique
Liens utiles: www.enit.it et www.turismotorino.org
Y aller. Avec Comptoir d'Italie: 0892 237 037(0,34€/mn) et www.comptoir.fr. A partir de 570 € par personne. Ce forfait comprend les vols A/R réguliers sur Air France ou Alitalia, les taxes d'aéroport, 2 nuitées en chambre double et petit déjeuner dans l'un des hôtels les plus glamour de Turin, le Boston.
Se loger Art Hotel Boston. Dans le quartier résidentiel de Crocetta, à quelques encablures de la Fondation Mario Merz, cet hôtel résolument design, offre, outre le confort qu'on est en droit d'attendre d'un quatre étoiles, une prodigieuse découverte de la création contemporaine. Collectionneur avisé, Roberto Franci a réuni dans cet ancien palais Liberty les œuvres de grands peintres italiens, de Lucio Fontana à Sandro Chia, de Luigi Ontani à Tancredi Parmeggiani.
la salle de restaurant "La linea continua"
Conçus par des designers de renom tels Cananzi et Semprini, les meubles ajoutent encore à l'atmosphère glamour des lieux. Les 87 chambres, toutes différentes, ont été «mises en scène» à partir d'un thème. Ou d'un artiste. A voir absolument, la suite en duplex dédiée au coureur automobile Ayrton Senna et à sa Honda jaune. Via Massena 70.Tel :+ 39 011 599 144 www.arthotelitalia.it
Circuler Avec la Carte Torino+Piemonte. Elle donne accès à 160 musées et monuments, aux transports en commun et offre certaines réductions pour 2, 3, 5 ou 7 jours. A partir de 25€ pour un adulte et un enfant de moins de 12 ans. Tel : +39 011 535181
Se restaurer
Eataly. Cette halle couverte (l'ancienne usine des vermouths Carpano), juste en face du Lingotto, connait un succès fou. Lancée en 2007, avec la bénédiction du mouvement Slow Food, elle offre dans ses rayons les meilleurs produits italiens. On vient ici faire provision d'huile d'olive Roi, de confitures de raisin et menthe Santamaria, de pâtes de chez Alfieri. Les rayons sont ponctués de comptoirs circulaires où s'attabler à toute heure, pour se régaler dans une ambiance chaleureuse et décontractée de la pasta du jour, d'une tome de Valcasotto ou d'une glace artisanale. Dégustations, cours de cuisine, rencontres avec de grands chefs: les activités liées au temple du « Manger bon et sain» semblent innombrables. Via Nizza 230. Tel : 011 1950 68 11 www.eatalytorino.it
Taverna dell'Oca. Dans ce restaurant où officient Valeria et son mari, le chef Dario, tout est délicieux, solidement ancré dans la tradition piémontaise. Décor sans façon de vieille taverne familiale et service efficace .Pour un peu, on goûterait à toutes les déclinaisons de l'oie, grande spécialité de la maison: en terrine, en salami, en jambon…La timbale de lasagne au ragout d'oie accompagnée d'artichauts est parfaite et ferait aisément office de plat principal. A moins que l'on se contente de gambas grillées sur lit de polenta, le tout arrosé d'un riesling Marin 2009. Et pour finir? Une panna cotta au marron glacé. Comment les Turinoises font-elles pour garder la ligne? Via dei Mille 24. Tel : +39 011 837 547. Environ 35€.
A lire. Cartoville Turin (Guides Gallimard).Indispensable pour un court séjour, ce guide intelligemment présenté, chaque quartier étant illustré d'une carte, fourmille de bonnes idées pour découvrir Turin autrement. 8, 90 €
Marianne Lohse
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