Escapade aux Pays Bas : Il était une fois Piet Mondrian...

2017 marque le centenaire du célèbre mouvement artistique d'avant-garde néerlandais De Stijl (Le Style) dont les figures les plus emblématiques sont Theo van Doesburg, fondateur de la revue éponyme et Piet Mondrian. Une formidable occasion de découvrir aux Pays- Bas toute une série d'expositions. Et des musées remarquables.

 

Balade culturelle avec Marianne Lohse.

 

Villa Mondrian

 

 

 

Un peu à l'écart des habituels circuits touristiques, la Gueldre(Gelderland) est la plus vaste et l'une des plus séduisantes provinces du pays. On y célèbre le centenaire de De Stijl avec éclat. Ce mouvement (c'est d'abord une revue) auquel Piet Mondrian, né dans cette province, a participé étroitement jusqu'en 1920, conjuguait tous les domaines de la création, de la peinture à l'architecture et au design.

 

Mondrian 1908 : Evening Red Tree

Gemeentemuseum Den Haag

 

L'ambition des membres de De Stijl, nourris de théories scientifiques et mystiques? Elaborer un langage artistique universel, construire un monde nouveau. Un discours qui laissera des traces sur les étudiants du Bauhaus.  

 

Hoge Veluwe

 

Non loin de la ville d'Arnhem s'étend un parc national de 5000 ha, le Hoge Veluwe. Des forêts, des étangs, des champs de bruyère. Et au milieu  de cette immensité peuplée de cerfs et  de sangliers, le plus surprenant des musées: le Kröller-Müller, symbiose parfaite entre l'art, l'architecture et la nature. A l'origine, un couple germano-néerlandais, richissime et passionné. Lui, Anton, caresse le projet d'un domaine de chasse, elle, Hélène, celui d'une "maison-musée" qui abriterait sa phénoménale collection d'art moderne (1500 oeuvres). Tous deux épris de grands espaces, ils acquièrent ce gigantesque territoire. Dés 1909, Hélène a acheté trois toiles de Van Gogh. Le musée détient aujourd'hui la deuxième plus grande collection de ce peintre au monde après celle d'Amsterdam: 90 peintures et plus de 180 dessins. Sans parler des Monet,  Picasso, van Doesburg, Mondrian ou Rietveld.

 

 

Des architectes réputés sont pressentis. Anton qui n'a rien à refuser à sa femme fait réaliser des maquettes grandeur nature en toile et en bois que l'on transporte sur place.. . C'est finalement le Belge Henry Van de Velde qui l'emporte(les bâtiments ont été par la suite agrandis par WG Quist). Une Fondation est crée après qu'Hélène ait légué ses trésors au gouvernement néerlandais. Le musée ouvre en 1938. Veillant au moindre détail, elle en sera le premier directeur, jusqu'à sa mort, en 1939.

 

Il faut venir et revenir dans ce lieu magique. Emprunter ses sentiers forestiers, ses pistes cyclables. Se perdre dans le jardin de sculptures de 25 ha. Bourdelle, Rodin, Maillol, Dubuffet, Fontana, Lipchitz, Moore, Noguchi, Penone: ils sont tous là.

 

L'exposition phare du musée, "Arp, la poésie des formes" s'inscrit dans l'année du centenaire de De Stijl. Déjà très présent ici (ne pas rater, dans le jardin des sculptures, "Le berger des Nuages"), Jean (Hans) Arp né à Strasbourg d'un père allemand et d'une mère française, poète, peintre, illustrateur, sculpteur, n'a cessé de jongler avec cultures et vocabulaire pluriel. Première grande rétrospective depuis la disparition de l'artiste, en 1966, l'exposition propose plus de 80 créations.  Chronologique, le parcours met l'accent sur la période 1920- 1935.

 

 Arp with Navel-Monocle, 1926, collection Arp Stiftung Berlijn 

 

Arp a participé pleinement aux grands courants artistiques de son époque: co-fondateur du mouvement Dada,  enrôlé dans le groupe des Surréalistes, membre actif d'Abstraction Création, il est très proche de Théo van Doesburg. Avec  sa femme, Sophie Taeuber, il participera entre 1926 et 1928 au projet de l'Aubette, un complexe de loisirs strasbourgeois auquel van Doesburg attache une grande importance.

 

Le berger des Nuages

 

Eblouissante rétrospective qui  des formes biomorphiques aux premiers reliefs, des "langages-objets" aux "concrétions" et aux papiers froissés, illustre la conviction de Jean Arp: l'art est lui-même un produit de la nature.

Cap sur Winterswijk où nous attend la visite de la Villa Mondriaan. Pieter Cornelis Mondriaan devenu Piet Mondrian, y vécut de 1880 à 1892. Sauvée de la démolition, la maison, aujourd'hui un musée englobe l'ancienne école dont le père de Piet était le directeur. Il a huit ans quand il arrive dans la petite ville, vingt ans quand il  la quitte. Une jeunesse qu'on imagine sévère, dans un  milieu très puritain. L'exposition " Figuration in Style" proposée ici montre les débuts des pionniers de  De Stijl, leur ancrage dans la tradition hollandaise, les tensions qui s'exercent d'emblée chez ces artistes entre figuration et abstraction. Quel cheminement jusqu'à ces formes géométriques, ces couleurs pures ! On reste vissé devant les paysages de Mondrian aux incroyables camaïeux de gris et de beige. Il est alors un amoureux des arbres, un peintre réaliste, guidé par son père et son oncle Fritz.

A retenir: l'autoportrait au chapeau de Theo van Doesburg et l'étonnant " Pommier en fleurs" de Vilmos Huszâr. La postérité n'a pas été très tendre avec ce peintre et designer d'origine hongroise un peu tombé dans l'oubli. Huszâr fut le  cofondateur de la revue De Stijl et l'un des théoriciens du néo-plasticisme. Le charmant musée municipal d'Harderwjik lui rend hommage avec une rétrospective de ses œuvres dont plusieurs, appartenant à des collections privées, n'ont jamais été exposées. Huszâr vécut et travailla tout près, à Hierden, des années trente à sa mort, en 1960.

 

Notre périple s'achève  dans la ravissante cité d'Amersfoort. On flâne avec bonheur le long des canaux bordés de belles demeures patriciennes. La bière, la laine et le tabac ont assuré la fortune d'Amersfoort dés le XVIème siècle. Piet Mondrian y a vu le jour. Le Kade Museum y retrace l'histoire du mouvement dans une exposition magistrale, "The Colours  of De Stijl". Quel usage firent de la couleur les principaux membres de ce collectif, de sa création à Leyde, en 1917, à 1931 date du décès de van Doesburg ?

 

Comment d'autres artistes, après- guerre et de nos jours poursuivent-ils leurs recherches ?  Si différents qu'ils aient pu être (plusieurs se brouillèrent et quittèrent le mouvement) ces pionniers avaient en commun le désir d'utiliser la couleur comme un des éléments clé d'un nouveau langage esthétique. D'où l'importance accordée aux théories d'un Newton, d'un Ostwald ou d'un Goethe qui avouons le,  nous passent un peu au dessus de la tête. Une galerie retrace l'évolution de la palette de Mondrian, des tons un peu éteints de ses premières toiles abstraites à ses compostions de lignes horizontales et verticales aux couleurs primaires qui l'ont rendu mondialement célèbre. Une évocation du Hall de l'Aubette imaginé par van Doesburg submerge littéralement le visiteur.

 

 

Quant à la reconstitution  d'une cabine dessinée par Gerrit Rietveld (le père des chaises iconiques) en 1950, pour un avion de la KLM, elle montre comment, pour cet architecte, la couleur  structure l'espace.

 

Qui a peur du Rouge, du Jaune et du Bleu ?

A mettre en parallèle avec la toile de Mondrian (1921) : Composition en rouge, jaune, bleu et noir

 

L'exposition culmine avec la redécouverte des fameuses séries de Barnett Newman (1966- 1970) " Qui a peur du Rouge, du Jaune et du Bleu ?" et l'installation d'Olafur Eliasson superposant et mixant couleurs primaires et secondaires.
 

Marianne Lohse

 

Pratique

Tout sur les lieux et dates des différents évènements sur le site www.holland.com

A lire

Pays- Bas(Lonely Planet) aux nombreuses adresses exclusives.

 

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