Jura vaudois, l'étonnant garde-temps

On ne passe pas par la Vallée de Joux, on y pénètre. Soit depuis Genève par le col du Marchairuz, soit en venant de France par Vallorbe. Cette petite vallée du Jura suisse, longue de 25 kilomètres et large de 10 kilomètres située dans le canton de Vaud, se mérite. Isolée à mille mètres d'altitude de moyenne, elle est fermée à l'ouest par le massif du Risoux et à l'est par la chaîne du Mont Tendre et vit isolée autour de ses trois lacs : le bien nommé lac de Joux, long de dix kilomètres, le lac Brénet à côté et le lac Ter dans la combe supérieure. C'est le pays des taiseux habitués à vivre dans une nature encore protégée qui peut être rude en hiver. L'orientation de vallée favorise en effet la pénétration du vent du nord qui n'hésite pas à s'y engouffrer et à faire chuter les températures à -15° en février. Alors on vit au ralenti, ou plus exactement on vivait au ralenti aux siècles précédents et l'on travaillait calfeutré dans les fermes. Dans le Haut-Jura français ce fut les fabriques de jouets, la lunetterie, la bijouterie pour les maisons genevoises, dans la Vallée de Joux, l'horlogerie.

 

Reportage texte et photos (sauf mention particulière) : André Degon ©

 


 Horlogerie


Au XIXe siècle, un certain Antoine Lecoultre, originaire de la vallée, fils de forgeron, passionné d'horlogerie fonde un atelier au Sentier. L'affaire se développe et le nombre de fermes horlogères, si reconnaissables à leurs fenêtres juxtaposées derrière lesquelles les paysans devenaient horlogers, se multiplient. Au début du XXe siècle, la manufacture Lecoultre est la plus importante de la région, on la surnomme « la grande maison ». Puis, les descendants d'Antoine s'allient à un horloger alsacien Edmond Jaeger. De cette alliance naîtra la société Jaeger-Lecoultre dont la renommée dépassera les montagnes jurassiennes, marque célèbre dans le monde entier pour son inventivité (pendule Atmos, Reverso, Master…), ses montres à complications et son excellence. C'est ainsi que la Vallée de Joux devient le centre mondial de l'horlogerie de luxe.

 

 

 Duomètre à chronographe Jaeger-Lecoultre 2007 Calibre 380

 

On y trouve notamment les fabriques Audemars Piguet, Breguet, Blancpain. 3 600 Français passent tous les matins la frontière pour venir travailler dans l'industrie horlogère.

 

Espace horloger au Sentier

 

Le musée horloger créé au Sentier en 1996, devenu l'année dernière Espace horloger après une rénovation financée en grande partie par les manufactures de la vallée, propose dans des salles futuristes des applications high-tech ludiques pour faire connaître les différents métiers de l'horlogerie et expose une belle collection de « gardes temps ». Certains de ces trésors proviennent de la fameuse collection Gideon, d'autres sont des pièces de grands noms comme Christian Piguet ou Philippe Dufour.

 

Montre Audemars Piguet à grande complication, 1950_ Trois complications, chronographe, répétition des minutes, calendrier perpétuel

Espace horloger, Le Sentier

 

 

Le cueilleur d'arbre


On le dirait tout droit sorti d'un conte de Perrault. Tout vouté, tout biscornu avec son drôle de bonnet sur la tête, Lorenzo Pellegrini est un personnage de la Vallée de Joux. Même plus, il est unique dans sa connaissance de ce que l'on appelle les bois de résonance issus de la forêt du Risoux mondialement connue pour la qualité de ses épicéas dont le bois est utilisé en lutherie.

 

Lorenzo Pellegrini , cueilleur d'arbres 

crédit JMC Lutherie 

 

Pour faire un bon bois, il faut un arbre qui a poussé lentement. Cela nécessite un sol pauvre et un climat rude. C'est le cas du Risoux où les épicéas mettent 350 ans à être adultes alors que le temps moyen est normalement de 180 ans. La veine est alors très serrée pour un bois léger et rigide. Protégés du vent et du soleil, les arbres qui serviront pour faire des tables d'instruments de musique ne doivent être ni noueux, ni vrillés, avec des fibres bien parallèles. Tout l'art est ensuite de les découvrir.

Lorenzo sait trouver parmi 10 000 arbres celui qui fera l'affaire. Tel un vieux lutin de la forêt, il scrute, palpe les écorces, regarde, mesure, caresse et trouve.

 

Lorenzo Pelegrini "auscultant"  un arbre

crédit : Vallée de Joux Tourisme

 

l faut voir cette vidéo présentant Lorenzo au travail dans la forêt :

http://www.dailymotion.com/video/xdyme6_cueilleur-d-arbres-de-la-fore-t-a-l_travel#.UWWVx-7LBPo.email

et celle-ci où l'on voit comment le bois de l'arbre choisi se transforme en instrument de musique :

http://www.dailymotion.com/video/xdymyt_cueilleur-d-arbres-de-la-fore-t-a-l_travel#.UWWWGdntDuQ.email

 

Jeanmichel Capt, luthier au Brassus connaît bien Lorenzo qui lui fait partager son expérience. D'ailleurs ici tout le monde connaît et respecte Lorenzo et sa vieille mobylette que l'on aperçoit fumante sur la route qui mène à la forêt. Jeanmichel est un enfant de la vallée, musicien, facteur de guitare ; il a mis au point le soundboard, un étonnant haut-parleur en bois d'harmonie qui crée un climat musical exceptionnel et une restitution parfaite.

 

Le luthier Jeanmichel Capt, Le Brasus


 


La capitale de la boîte à musique


A quelques kilomètres au nord-ouest de la vallée de Joux, le petit village de Sainte-Croix est réputé pour ses entreprises de haute précision, marqueterie, manufacture des harpes David, images de synthèse, bijouterie… Mais sa notoriété vient essentiellement de la fabrication de boîtes à musique avec, comme fleuron, l'entreprise Reuge, leader international de cette spécialité.

 

Sainte-Croix, Mr Kupper, directeur de la maison Reuge, présentant une boîte à musique

 

Véritables œuvres d'art ces « instruments de musique » sont vendus dans le monde entier, en Chine, au Japon, en Russie, au Vatican et même au Tatarstan (pays des musulmans de Russie). Elles peuvent jouer pour les plus imposantes jusqu'à 32 mélodies. Huit à dix mille pièces partent de Sainte-Croix chaque année et les commandes spéciales les plus farfelues sont honorées (caves à vin ou à cigares musicales, boîtes pouvant loger un lingot d'or… Plusieurs musées sont également à visiter à Sainte-Croix, notamment le superbe musée Cima qui recense tout ce qui a trait aux boîtes à musique et aux automates, aux orgues de barbarie. Egalement à voir l'atelier de mécanique de précision ancienne, une collection de tours et d'outils rassemblés par un passionné, le Dr. Wyss.

 

 

Sainte-Croix, musée du Cima, automate écrivain

 

Yverdon-les-Bains


Depuis Sainte-Croix, la meilleure façon de rejoindre Yverdon-les-Bains est d'emprunter le petit train qui descend tranquillement sur le lac de Neuchâtel en offrant une belle vue sur la plaine environnante. Yverdon, au bord du lac se laisse vivre avec bonheur, loin des tracas. Capitale romande du thermalisme et deuxième ville du canton de Vaud, c'est une cité de villégiature proprette, où il fait bon se promener et découvrir son histoire.

 

Yverdon, place Pestalozzi, centre de la ville

 

En fait à Yverdon, tout tourne autour de l'eau. La ville s'est développée entre lac et marais. Au sud du lac, la Grande Cariçaie est un ensemble lacustre unique en Suisse avec huit réserves naturelles couvrant près de 3 000 hectares abritant mille espèces végétales et dix mille espèces animales. On pénètre ce paysage de rêve entre roselières, marais et forêt humide par un petit sentier ouvert aux piétons et aux cyclistes (http://www.grande-caricaie.ch).

 


 

Mais Yverdon-les-Bains est surtout connue pour sa source thermale dont les eaux sulfureuses ont attirées nombre de curistes, surtout depuis le XIXe siècle où le thermalisme était réservé à une élite internationale. Depuis la pratique de la cure s'est largement démocratisée. Et la petite cité est devenue une destination touristique pleine de charme dont le centre protégé abrite des bâtiments historiques comme le château entouré de ruelles bordées d'hôtels particuliers.
De la Vallée de Joux à la ville d'Yverdon, toute cette région du nord-vaudois a le mérite d'avoir conservé son authenticité. Elle a su s'adapter tout en conservant ses spécificités. Pas facile dans une époque un peu confuse.

 

André Degon

 


Pour en savoir plus


- Office du tourisme de la région Yverdon-les-Bains-Jura-Lac, 2, avenue de la gare. Tel. : 41(0) 24 423 61 04. www.yverdonlesbainsregion.ch.
- Vallée de Joux Tourisme, Centre sportif, 8, rue de l'Orbe, Le Sentier. Tel. : +41 (0)21 845 17 77. www.myvalleedejoux.ch.
- Vallorbe Tourisme, 11, rue des Grandes-forges, Vallorbe. Tel. : +41 (0)21 843 22 62

 

Comment y aller


En train : Jusqu'à Vallorbe, à trois heures et demi de Paris, une heure de Genève, deux heures de Zurich par le Lyria (TGV). http://www.tgv-lyria.fr .
En voiture : depuis Paris par l'A6, puis l'A36 jusqu'à Besançon et la N57 jusqu'à Pontarlier et Vallorbe, comptez cinq heures (500 kil.)

 

A lire

- 25 balades insolites de Marilyn Guinet et Martine Stoeckli. Petit guide de balades pédestres très bien fait pour découvrir la région d'Yverdon-les-Bains. Se le procurer auprès de l'Office du tourisme d'Yverdon-les-Bains.
- Le cueilleur d'arbre, de Gil Pidoux (texte) et Anne-Lise Vullioud (photos). 120 pages, 48,50 euros. DVD disponible,16,50 euros. Commande : Anne-Lise Vullioud, 16, rue des Forges, 1348 Le Brassus, Suisse.

 

A voir

Dans la Vallée de Joux

Aux Charbonnières
- Le musée du vacherin, 17, rue du Mont-d'Or. Tel. : +41 (0)21 841 10 14. www.vacherin-le-pelerin.ch. Affineur de vacherin, descendant d'une famille d'agriculteurs et de fromagers, Jean-Michel Rochat a créé en 2005, ce musée pour faire connaître le vacherin-Mont d'Or, une spécialité de la vallée. Un beau lieu pour que vive la tradition.

Au Sentier
- Espace horloger, 2, Grand-rue. Tel. : +41 (0)21 845 75 45. www.espacehorloger.ch. Ce musée vivant de l'horlogerie regroupe les plus belles réalisations des fabriques de montres d'exception de la vallée, cœur de l'industrie horlogère mondiale. C'est le lieu où tout amoureux des montres se doit d'aller une fois dans sa vie.
- Centre d'initiation à l'horlogerie, 12, Derrière la Côte. Tel. : +41(0)21 845 71 24. www.olivierpiguet.ch. Dans une ancienne ferme horlogère restaurée, Olivier Piguet, un fou d'horlogerie, donne des cours pour faire découvrir les secrets de la montre mécanique.

Au Brassus
- JMC Lutherie, 23, route du Risoud.Tel. : +41 (0) 21 845 56 30. www.jmclutherie.com. Le luthier Jeanmichel Capt a mis au point le haut-parleur en bois d'harmonie.

A Sainte-Croix, capitale mondiale de la boîte à musique
- Reuge, 26, rue des Rasses. Tel. : +41 (0)24 455 22 22. www.reuge.com
La fabrique Reuge, bicentenaire, est connue dans le monde entier pour son savoir-faire dans la fabrication de boîtes à musique. Des boîtes à musique qui peuvent être de véritables œuvres d'art…..
- Musée Cima, 2, rue de l'industrie. Tel. : +41 (0)24 454 44 77. www.musees.ch.
Le Centre international de mécanique d'art (Cima) présente une collection unique de boîtes à musique et d'automates (personnages, oiseaux chanteurs…
- Musée des arts et des sciences (Mas), Atelier de mécanique ancienne,15, rue de l'industrie. +41 (0)79 713 86 20. Ouvert le dimanche après-midi et sur demande les autres jours. Cet atelier de mécanique de précision ancienne fut reconstitué par un passionné, le Dr Wyss et donné au Mas. Toutes les machines fonctionnent. L'atelier est inscrit à l'inventaire du patrimoine industriel suisse.

A Romainmôtier, l'abbatiale et la Grange de la Dîme. Un site clunisien d'exception dans un village protégé. www.sitesclunisiens.org.

A Yverdon-les-Bains
- La Ferme, 15, rue de la Plaine. Tel. : 41(0)24 425 66 56. www.lafermeyverdon.ch
A découvrir l'épicerie La Ferme qui propose des produits du Nord-Vaudois. C'est le grand rendez-vous du samedi matin où tout le monde se retrouve.
- Maison d'ailleurs, 14, place Pestalozzi. Tel. : +41 (0)24 425 64 38. www.ailleurs.ch. - Musée de la science-fiction, de l'utopie et des voyages extraordinaires. Espace Jules-Verne (maquettes, ouvrages, projections…) Une des collections sur Jules Verne les plus importantes du monde. Jusqu'au 28 août, exposition des travaux d'Aleksi Briclot, artiste français travaillant sur l'art numérique.
- Le château qui accueille le musée d'Yverdon et région, le centre Pestalozzi (du nom du célèbre pédagogue du XVIIIe-XIXe siècle, influencé par Jean-Jacques Rousseau) et le musée suisse de la mode.


Où séjourner

- Dans la vallée de Joux :
Hôtel des Horlogers (4 étoiles), 8, route de France, 1348 Le Brassus. Tel. : +41 (0)21 845 0 845. www.leshorlogers.ch. . Chambres : de 230 euros à 380 euros (suites). Nombreux forfaits intéressants (découverte de la forêt, séjour bien-être, initiation à l'horlogerie…). Bel accueil chaleureux.
Grand hôtel des Rasses, 25, route des Alpes, Les Rasses s/Sainte-Croix. Tel. : +41(0)24 454 19 61. http://www.hotellesrasses.com/. Chambres doubles à partir de 145 euros. A 1 200 mètre d'altitude, cet hôtel 3 étoiles supérieur fut bâti à la fin du XIXème siècle. Le Grand Hôtel des Rasses se dresse au cœur d'un parc avec pour toile de fond, la longue chaîne des Alpes. Une nouvelle terrasse panoramique permet de profiter d'une vue exceptionnelle.

- A Yverdon-les-Bains :
Grand Hôtel des Bains (4 étoiles sup.), 22, avenue des Bains. Tel. : +41 (0)24 424 64 64. www.grandhotelyverdon.ch. Chambres : à partir de 210 euros. Grand hôtel quatre étoiles de réputation internationale avec centre thermal, qualité suisse ou bien !
Hôtel de la Prairie, 9 avenue des Bains. Tel. : 41 (0)24 424 31 31. http://www.hoteldelaprairie.ch/. Chambres à partir de 138 euros (préférer les chambres rénovées). Belles prestations dans une grande maison entourée d'un jardin.

Où se restaurer

Dans la vallée de Joux :
- Restaurant du lac, 47, Sur les quais, Le Pont. Tel. : +41 (0)21 841 12 96. http://restaurantdulaclepont.com/site/ . Un restaurant de poisson très famille situé au bout du lac de Joux (menus 46 et 53,50 euros.). Simple et accueillant, mais un peu cher.
- Restaurant de l'hôtel des Horlogers au Brassus : Le Chronographe (recommandé par le Gault et Millau). Pour ses noix de Saint-Jacques rôties au thym et son cœur de bœuf de Simmental aux truffes noires. Menus à partir de 46 euros (le midi) et 79 euros (le soir) http://www.leshorlogers.ch

- Grand Hôtel des Rasses, restaurant Belle époque, pour son filet de veau rosé, jus corsé, risotto aux Parmiggiano Reggiano. Menu à partir de 35,50 euros.

A Yverdon-les-Bains :
- Le restaurant français de l'hôtel de la Prairie (Philippe Guignard). Avenue des Bains. Tel. : +41 (0)24 423 31 31. Menu à partir de 73 euros. Pour les filets de rouget barbet avec chipirons.
- Restaurant du Grand hôtel des Bains, 22 avenue des Bains. Tel. :+41 (0)24 424 64 64. Superbe menu plaisir culinaire, quatre plats : 61,50 euros. Pour la Minute de thon yuzukosho, pousses d'épinards au wasabi.

 

 


 

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