Escapade de Noël en Alsace, au pays du Sapin Roi
Au cœur de l'Alsace, le pays du Sapin s'étend d'est en ouest, du Rhin aux forêts vosgiennes. Rites et croyances y sont restés intactes. D'où ce sentiment d'enchantement, de retour en enfance. Il faut faire étape à Ungersheim, à l'Ecomusée, superbe reconstitution d'un village rural du siècle dernier (voir notre reportage). Jusqu'au 6 janvier 2013, jour de l'Epiphanie, 26 veillées- spectacles sont proposées aux visiteurs. Les lanternes s'allument comme autant d'étoiles, on déambule avec bonheur, d'un conteur à l'autre, de maison en maison.
Reportage : Marianne Lohse
Photo : Claire Vuillemin ©
Nos bons plans pour terminer l'année en beauté
Quantité de douceurs accompagnent ces temps bénits: bredele (des petits sablés en forme de cœur, de sapin, de lune), pains d'épices, massepains, pâtes de fruits… La fête des Rois y clôture un cycle très particulier: le Klein-Johr (la Petite Année). Ce nom désigne les douze jours empreints de superstitions, de mystères qui s'écoulent depuis le 26 décembre. Ainsi, autrefois, la coutume voulait que l'on place douze pelures d'oignon et du gros sel sur une planche de bois, annotée d'un mois. Là où le sel fondait, le mois s'annonçait pluvieux. A partir de Noël, il était interdit de toucher au rouet. Au moment du solstice d'hiver, la nuit décroit, le jour augmente. Il ne fallait surtout pas que le soleil puisse prendre exemple sur la roue du rouet et tourner à l'envers!
Séance de contes autour du rouet à l'Eco-Musée
Façades en trompe- l'œil, oriels Renaissance, églises de granit et de grés: Sélestat, notre prochaine étape, mérite le détour. A 9 km à l'ouest se dresse le château du Haut-Koenisbourg immortalisé par le film de Renoir, «La Grande Illusion». Mais c'est bien de sa Bibliothèque Humaniste que la petite cité est le plus fière. Troisième trésor d'Alsace après la cathédrale de Strasbourg et le retable d'Issenheim, elle est constituée de deux fonds : celui de l'école latine(1452) et celui légué par Beatus Rhenanus, un écrivain humaniste, ami d'Erasme, disparu en 1547.
Registre de comptes XVIè siècle
Crédit photo : C. Meyer
Préservés dans des vitrines recouvertes d'un drap de velours rouge, des documents rarissimes dont la première mention écrite du sapin de Noël, dans un registre de comptes datant de 1521. Il y est question d'une dépense de 4 schillings payés aux gardes forestiers pour surveiller les arbres, à partir de la St Thomas. Et d'une amende à quiconque couperait les dits sapins avant Noël !
Une visite s'impose à l'église Saint Georges, l'un des plus intéressants exemples d'architecture gothique de la région. Tout au long du mois de décembre, une exposition, «L'histoire des décorations de l'arbre de Noël» y met en scène, suspendus sous les voûtes de la nef, une dizaine de sapins. Vision merveilleuse mais surprenante dans un lieu consacré que celle de ces arbres issus d'une tradition païenne! Du XVIème siècle à nos jours, des pommes rouges aux boules de verre, en passant par les oublies et les roses de papier, le sapin s'orne de sujets de plus en plus élaborés. De délicats moules à gâteaux ont même investi un ancien confessionnal et la crypte, habituellement fermée au public, accueille une série de boules soufflées à Meisenthal.
Sélestat Eglise St Georges Boules de Meisenthal
Un beffroi de grés rose, Kappelturm, haut de 60 mètres (il servait de tour de guet) domine la ravissante ville d'Obernai. Rien ne semble y avoir changé depuis la fameuse affiche dessinée par Hansi. Le cœur de la cité de Sainte- Odile, la plus visitée du Bas- Rhin après Strasbourg, bat sur la Place du Marché. L'hôtel de ville au balcon de style gothique flamboyant, une Halle aux blés (1544) couronnée d'un clocheton se dressent sur la Place, envahie, à cette époque de l'année, par un marché gastronomique de Noël (ouvert7/7 jours jusqu'au 31 décembre).
De foie gras en pain d'épices, les gourmands s'attardent. On grignote des bretzels avec un vin chaud à base de Sylvaner, une production locale. L'origine du vignoble d'Obernai aux vins tôt réputés, remonte à 680. On logera à Ottrot-le-Haut, à l'Hostellerie des Châteaux. Ernest Schaetzel y régale ses hôtes d'un épatant foie gras de canard maison aux figues et de noisettes de biche nappées de chocolat noir. Pour brûler ces calories, rien ne vaut dit-on le spa de l'hôtel et son enveloppement détente au potiron et graines de courge…
www.obernai.fr et www.hostellerie-chateaux.fr
Il faut encore parler de Molsheim, étape incontournable de la Route des Vins (en 2013, on célèbrera son cinquantième anniversaire) et de son admirable Chartreuse. Des bénévoles se sont attelés à la restauration du couvent (1538-1792). Chacun des vingt moines y avait sa cellule, son atelier et son petit jardin. Ces paisibles fantômes cohabitent avec les mânes du célèbre constructeur d'automobiles Ettore Bugatti installé en 1909 à Molsheim, alors allemande.
La Chartreuse abrite en effet la Fondation Bugatti. Les précieux bolides que l'on y voit semblent un peu perdus. A quand un vrai musée Bugatti ? Après une étape au Musée Lalique à Wingen-sur Moder dont nous avons déjà dit tout le bien que nous en pensions, notre périple s'achève à Saverne, au Pays des Lumières. Façades, rues, vitrines et fenêtres y étincellent comme nulle part ailleurs. La ville a profité de sa position stratégique entre Alsace et Lorraine. Déployé sur 140 mètres de long, l'énorme Château des Rohan, résidence secondaire des évêques de Strasbourg, tout de grès rose, abrite aujourd'hui des musées, une école primaire et une auberge de jeunesse.
Pas de séjour à Saverne sans un dîner au Clos de La Garenne. Sébastien et Virginie Schmitt en ont fait un refuge plus sophistiqué que rustique : meubles anciens, boiseries, kelshs. Le dîner de fête concocté par Sébastien met l'oie à l'honneur: bouillon d'oie aux ravioles, cou d'oie farci au foie gras, panache d'oie, chou rouge et choucroute aux marrons. Un bel exercice de style.
Des personnages extraordinaires
Vous verrez peu de Pères Noël en Alsace. Le vieux bonhomme à la cape rouge et à la barbe blanche suscite la méfiance des Alsaciens. A quoi bon disent certains ce personnage inventé par l'Américain Clément Moore alors que nous avons Saint Nicolas, le Christkindl (l'Enfant Christ) et son double noir Hans Trapp ?
Saint Nicolas
Photo : Claire Vuillemin ©
Le rôle du Chrsitkindl est le plus souvent tenu par une jeune fille vêtue de voiles blancs et coiffée d'une couronne piquée de bougies comme la Sainte Lucie scandinave.
Hans Trapp, sorte de Père Fouettard qui menace d'emporter les enfants méchants, porte un manteau de fourrure et une longue barbe hirsute.
A ces personnages de légende, il faut ajouter un héros bien réel: l'infatigable Professeur Sappinus, alias Philippe Rauel, chargé de l'animation de la ville de Sélestat. Ce fameux sapinophile n'ignore rien du beau conifère. Chaque jour, il débarque sur Pierisel TV pour une brève émission inspirée de la Minute nécessaire du professeur Cyclopède de Pierre Desproges, au début des années 80. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Noël sans jamais oser le demander.
Marianne Lohse
