Vibrante Bilbao

Dans la capitale de la Biscaye, il y a un avant et un après Guggenheim. Qui n'a entendu parler de ce formidable musée, navire de titane et de verre surgi en 1997, au milieu d'un terrain vague de la ria de Bilbao? Port industriel, Bilbao connait un véritable âge d'or. Avant de subir la crise des années 1970-1980. En plein marasme, un projet fou, appuyé par le gouvernement nationaliste basque, prend forme : sur une friche envahie par les squatters et les junkies va naitre un musée d'art contemporain. Œuvre de l'architecte américain Frank O. Gehry, - la province finance sa construction, collections et gestion relevant de la Fondation Guggenheim - le musée est le début d'une vraie résurrection. «L'effet Guggenheim» n'est pas près de se dissiper: en dépit de la tourmente financière que connait l'Espagne.

 

 

Reportage : Marianne Lohse

Crédits photos :Musée Guggenheim et Bilbao Turismo

 

Bilbao où l'on a multiplié bâtiments nouveaux et réhabilitations intelligentes, ne respire pas la morosité. C'est, aujourd'hui, à la fois un pôle culturel et une étape touristique incontournable. Dans le sillage de Gehry, sont accourus les plus grands architectes de la planète. Norman Foster a dessiné le métro (si populaire qu'on a donné aux entrées le surnom de «fosteritos»), Santiago Calatrava l'aéroport Sondika et l'aérien pont Zubizuri, Cesare Pelli la tour Iberdrola (165 m), Arata Isozaki les buildings résidentiels Atea…Et le designer Philippe Starck transformé La Alhondiga, un ancien entrepôt de vins et liqueurs édifié en 1909 en un complexe de loisirs très fréquenté (ne pas rater, au troisième étage, la superbe piscine dallée de verre). Quant au plan de restructuration de la péninsule de Zorrozaurre (60 ha), à l'ouest, il a été confié à Zaha Hadid.

 

 


Un matin d'automne, sur la rive gauche de la Nervion livrée aux piétons. On y flâne avec bonheur, comme aimanté par les courbes sinueuses du Guggenheim et sa peau métallique flamboyant au soleil. Sur la Promenade, Maman, l'inquiétante araignée de bronze de Louise Bourgeois dresse ses pattes hautes de dix mètres.

 

 

On accède aussi au musée- ses fans l'appellent le Gugg - par une terrasse, au bout de la rue Iparaguiire, accueilli par Puppy, le chien géant couvert de fleurs de Jeff Koons.

 

 

La vue sur le fleuve et le pont de la Salve y est spectaculaire. En pénétrant dans l'immense atrium central, inondé de lumière, tel Jonas dans le ventre de la baleine, on comprend mieux encore pourquoi le Gugg (1 million de visiteurs par an soit l'équivalent du nombre d'habitants de la conurbation) mérite à lui seul le voyage.

 

 

 

 

Les espaces d'exposition y sont répartis sur trois niveaux et, souvent, provoquent, comme le bâtiment lui-même, une pluie de superlatifs. Dans la salle imaginée tout exprès par Gehry pour Serra, le sculpteur a installé de façon permanente sa colossale Matière du Temps. Sept rubans d'acier en ellipse dont les plaques (la plus légère pèse 44 tonnes) tiennent comme par miracle : elles ne sont pas fixées au sol. On est invité à errer à l'intérieur de ce volume démesuré, de ces murs de quatre mètres de haut qui ondulent, se resserrent, s'inclinent, s'esquivent. Vertigineux!

 


Serra : La matière du temps

Photo : Erika Ede ©

 

On gagnera volontiers la vieille ville et la Plaza Nueva où abondent les bars à pintxos, version biscayenne des tapas. Rectangulaire, d'architecture néoclassique, (elle a été achevée en 1851), la Place est un passage obligé pour les "Bilbainos" (en espagnol, bilbotars en français) qui apprécient son atmosphère élégante et paisible.

Quel contraste avec les rues médiévales, les Siete Calles, (Sept Rues) qui s'enchevêtrent autour de la cathédrale Santiago! Longtemps négligées, elles sont aujourd'hui peuplées de galeries et de clubs branchés. L'Ensanche (l'Extension), la ville moderne édifiée au XIXème siècle, concentre sur son artère principale, Gran Via qui mène de la Plaza Cicular à la Plaza del Sagrado Corazon, immeubles bourgeois et boutiques chic : de quoi avoir la tête tournée par la mode espagnole !

 

Cesare Pelli :la tour Iberdrola

 

Dans le quartier d'Abando, arrêt obligatoire Plaza Federico Moyùa où règne une activité fébrile. Au n° 2, se dresse le mythique hôtel Carlton (le gouvernement d'Euskadi s'y installa durant la guerre civile), tandis qu'au n° 5 se trouve le Palais Chavarri, siège de la délégation du gouvernement.

Tout proche, le Musée des Beaux Arts, un bâtiment construit en 1908 et agrandi depuis a été totalement remodelé il y a dix ans par Luis Maria Uriarte. Ses collections, riches de près de 6.000 pièces, du XIIème au XXIème siècle, font la part belle à des artistes basques avant-gardistes comme le sculpteur Jorge Oteiza ou le peintre Ignacio Zuloaga. On n'oubliera pas de sitôt la fabuleuse rétrospective consacrée au couturier Cristobal Balenciaga, en 2010. Décidément, Bilbao n'a plus rien à redouter de sa séduisante rivale, San Sebastian.


Marianne Lohse


Pratique


Adresses utiles. www.spain.info/fr www.bilbao.net/bilbaoturismo www.guggenheim-bilbao.es


Y aller.

Air France dessert Bilbao avec 5 vols par jour (4 le samedi) en partenariat avec Britair. A partir de 117€ TTC A/R

www.airfrance.fr


Se loger.

Hotel Hesperia Bilbao. A quelques encablures à peine du musée Guggenheim, dans une rue calme, cet hôtel design de 151 chambres, aux surprenantes fenêtres teintées, offre un confort optimum : chambres spacieuses, restaurant gastronomique dédié aux spécialités basques, agréable bar donnant sur le fleuve.

Paseo Campo de Volantin, 28. Tel : +34 94405 1100

www. hesperia.es/Hesperia-Bilbao


Gran Hotel Domine. Le plus proche voisin du Gugg est cet hôtel arty conçu en 2002 par l'enfant terrible du design espagnol, Javier Mariscal. Aidé, pour l'aménagement intérieur, de son complice Fernando Salas, Mariscal a tout dessiné, de la façade où se reflète le musée au website, en passant par les uniformes du personnel. Une sculpture de galets aux allures phalliques, haute de 26m, s'élève du lobby jusqu'au sommet des sept étages, dans l'atrium au toit de verre. Couleurs flashy et meubles iconiques : le café Metropol est l'un des rendez- vous favoris des beautiful people. Epatant petit déjeuner servi en terrasse.

Alameda Mazzaredo, 61. Tel : +34 94 425 3300

www.granhoteldominebilbao.com


Se restaurer.

Les bars à pintxos, les fameux tapas basques, abondent à Bilbao. En faire la tournée est même un rite. De la grande cuisine en miniature! Voici nos préférés: Café Bilbao (Plaza Nueva, 6), Gatz (Calle Santa Maria, 10), Bitoque (Rodriguez Aria 32), Atea (Paseo Uribitarte 4).


Circuler.

La Bilbaocard, entre 6 et 12€, donne accès aux transports publics pendant 1 à 3 jours (le tramway et le métro sont très pratiques) et offre des réductions dans les principaux musées et commerces. En vente à l'Office de Tourisme, Plaza del Ensanche,11. Tel : 944 79 57 60

www.bilbao.net
 

A lire.

Pays basque. GéoGuide (Gallimard). Un panorama complet pour mieux appréhender la région et une mine d'adresses utiles.

 


Deux expositions à ne pas rater


Brancusi- Serra au Guggenheim


Pour qui a vu, à Bâle, à la Fondation Beyeler, cette double rétrospective, il s'agit ici d'une toute autre exposition. Comme si le défi que représentait, en Suisse, l'accueil des pièces monumentales de Serra et celui des icônes, si fragiles et rares de Brancusi ne se posait plus à Guggenheim. L'espace y est exceptionnel : Serra n'y- a-t-il pas installé, de façon permanente, sa Matière du Temps ?

Cette présence, cette possibilité, pour le visiteur, littéralement d'entrer dans la sculpture la plus colossale jamais réalisée, d'en saisir la masse, change totalement le regard. Ce qui bien sûr ravit Oliver Wick, commissaire des deux manifestations. Fort intelligemment, on n'a pas cherché à susciter un dialogue direct entre les deux artistes mais à placer la cinquantaine d'œuvres montrées au Gugg à une distance juste.

 

 Brancusi dans son atelier

 

Qu'est ce qui unit le Roumain Constantin Brancusi (1876-1957), pionnier d'une sculpture abstraite pleine de grâce au Californien Richard Serra, 74 ans, créateur d'un monde d'acier dense et austère?

 

          

Richard Serra, New York

Photo : Nancy Lee Katz

 

Richard Serra, "1 2 3 4 5 6 7 8"

 

Boursier de l'université de Yale, Serra, de 1964 à 1965, étudie le dessin à Paris, à l'Académie de la Grande Chaumière. Et visite chaque jour la reconstruction de l'atelier de Brancusi au palais de Tokyo, fasciné, dit-il, par l'économie de moyens, la façon dont son ainé façonne ses volumes. De cette admiration naitra la recherche d'un homme parti à la conquête de l'impondérable, selon ses propres mots.

 

 Brancusi "Muse"

 

On chemine d'une pièce « brancusienne» à l'autre, toujours ébloui par les variantes du Baiser, les célèbrissimes Oiseaux dans l'espace et Muses endormies (la baronne Renée Irana Frachon servit de modèle à Brancusi de 1909 à 1910). En plâtre, en pierre, en bronze plus ou moins patiné ou poli : penchée, la tête aux paupières closes se sépare du buste. Sublime géométrie.

 

Brancusi, "Le baiser"

 

A voir et à revoir aussi, Princesse X, qualifiée en son temps de phallique et les deux totémiques Négresses, la Blanche et la Blonde.

Neuf sculptures et une série d'œuvres sur papier jalonnent, sur quarante années, le parcours de Serra. La sélection va des premières pièces en caoutchouc et plomb (Belts, 1966-1967) aux constructions en acier comme Circuit (1972) et 1,2,3,4,5,6,7,8 (1987). Désormais, Serra va sectionner, plier, courber, tordre le métal. Un art très physique et médité.

Jusqu'au 15 avril 2012

 


L'abstraction picturale. 1949- 1969


A la question: qu'est-ce qui doit remplacer l'objet? Kandinsky, pionnier de l'art abstrait dans les années 1910, répondait par le choc des couleurs et des lignes. Couleurs et lignes explosent dans cette seconde et passionnante exposition organisée à partir des fonds newyorkais et vénitiens des institutions Guggenheim. Le musée de Bilbao présente en effet ce qui constitue le socle de sa propre collection : l'abstraction picturale entre 1949 et 1969. En près de quatre-vingt oeuvres réalisées sur deux décennies, on découvre les surprenantes affinités entre Européens et Américains, à une époque, celle de l'après- guerre, où s'affirme, en réaction contre une culture occidentale jugée passéiste, la recherche d'un geste créatif sans précédent.

Fondé à Paris en 1948, le groupe Cobra, composé d'artistes de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam prône un art spontané et expérimental, un nouveau primitivisme. Représenté ici par Alechinsky,  Appel ou Corneille, Cobra annonce les mouvements contestataires qui se succéderont jusqu'en 1968.

Quant à l'art informel (terme inventé, en 1952, par le critique français Michel Tapié), il revendique une liberté totale dans l'expression artistique, qu'on la nomme "peinture gestuelle", "abstraction lyrique" ou "tachisme". Ainsi Alberto Burri en Italie ou Antoni Tàpies en Espagne utilisent-ils sable, fragments de tissus et bois dans leurs tableaux.

Aux Etats Unis, la peinture évolue vers un style baptisé expressionnisme abstrait. L'action painting (peinture-action) qui met l'accent sur le geste, hérité des expressionnistes, et la technique surréaliste de l'écriture automatique, est représentée par de superbes toiles de Jackson Pollock ou Willem de Kooning.

L'un des chefs d'œuvre de la collection, reste sans conteste un grand format de Mark Rothko: «Sans titre» a été réalisé entre 1952 et 1953. «Quand vous peignez un grand format, vous rentrez dedans» disait Rothko. Recueilli, le spectateur, lui aussi se perd avec bonheur dans cet espace.
 

ML


Jusqu'au 8 janvier 2012
 

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