Presque entièrement rasée lors de la dernière guerre mondiale, la deuxième ville des Pays-Bas est aujourd'hui une passionnante destination touristique, à seulement 2 heures 30 de train de Paris. Rotterdam se réinvente sans cesse faisant la part belle à l'architecture avant-gardiste, au design et à l'art contemporain. Très cosmopolite, ce port -le plus important d'Europe- a de quoi séduire tous les amateurs de city breaks avec son atmosphère décontractée, ses restaurants étoilés. Et ses nuits électriques.
Reportage Marianne Lohse
Dites Rotterdam et vous penserez aussitôt pétroliers, porte-conteneurs, cargos, remorqueurs, forêts de grues. Spectacle fascinant que celui de ce mastodonte qui s'étend jusqu'à la mer du Nord et voit transiter chaque année 444 millions de tonnes de marchandises. A découvrir absolument, en water taxi ou à bord du ferry Spido. Ardente, foisonnante, la vie est ici, sur Kop van Zuid (le Quartier du Sud) où l'on déambule entre docks réhabilités et gratte-ciels signés Norman Foster ou Renzo Piano. Rotterdam mérite bien son surnom de Manhattan sur Meuse: une quinzaine d'immeubles de plus de cent mètres de haut y ont poussé depuis 1990. Et ce n'est pas fini! Trois constructions majeures se sont achevées l'an passé: la Gare Centrale, l'ensemble immobilier De Rotterdam et le Markthal, un spectaculaire marché couvert.
Gare centrale
Jeté sur la rivière, l'iconique Pont Erasme (Erasmusbrug) relie les quartiers Nord et Sud. Malgré ses dimensions colossales (800 mètres de long, un pylône de 139 mètres de haut), cet ouvrage d'art conçu par l'architecte Ben van Berkel réussit avec ses haubans blancs le prodige de paraitre aérien.
A quelques encablures du Pont, De Rotterdam est aujourd'hui le plus grand bâtiment multifonctions des Pays Bas et "un symbole de notre esprit d'entreprise" souligne le maire, Ahmed Aboutaleb. Réalisées par OMA (Rem Koolhaas l'architecte star, a installé son agence à Rotterdam il y a quarante ans), trois tours transparentes couronnent une base de six étages, vaste comme un terrain de football. Environ 5000 personnes y vivront quotidiennement. Des bureaux, des appartements, un hôtel quatre étoiles de 285 chambres, le nhow, au restaurant déjà fameux: l'atmosphère y est très new yorkaise.
Entre la cité américaine et Rotterdam, les liens restent forts. De 1873 à 1970, des milliers de passagers sont partis du Wilhemina Pier vers le Nouveau Monde, en quête d'une vie meilleure. De ce passé maritime subsiste, à l'extrémité de Kop van Zuid, l'immeuble de la compagnie Holland America Line converti en hôtel, l'élégant New York, une construction de briques rouges flanquée de deux tours. Son monumental escalier Art Nouveau y parle d'une époque bien révolue.
Wilhemina Pier
A deux pas, le Cruise Terminal, restauré, accueille manifestations culturelles et croisiéristes. Il ne faut pas rater, juste en face, dans les anciens entrepôts Las Palmas, le Nederlands Foto Museum. Le photographe Ulay, célèbre pour ses performances dans les seventies et sa collaboration avec Marina Abramovic, y expose ses polaroïds (jusqu'au 1er mai).
Rotterdam se visite avec bonheur tout au long de l'année mais c'est sans doute en février que les amateurs d'art contemporain y sont les plus nombreux. La rituelle Art Week, y est devenue un rendez- vous incontournable. L'occasion de découvrir dans différents lieux, jeunes galeries et artistes émergents. En 2016, les designers du Salon Object ont pris leurs quartiers à bord du ss Rotterdam, un luxueux paquebot des fifties, mouillé le long de Katendrecht.
Pour Fons Holf, directeur de Art Rotterdam qui se tient dans l'usine Van Nelle "Rotterdam est, déjà, un nouveau Berlin". Avec 130 galeristes européens et 26 500 visiteurs, Art Rotterdam, cette année, a battu tous les records. Clou de cette dix septième édition: la maison démontée, à Detroit, et reconstruite par Ryan Mendoza, troublant témoignage de ce que peut subir une ville sinistrée. Récemment inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, l'usine Van Nelle édifiée entre 1928 et 1930, mérite tous les superlatifs. On y produisait thé, café et tabac. Avec ses façades transparentes (le premier-mur-rideau préfabriqué fut monté ici), sa distribution aérée, ce bâtiment qu'admirait Le Corbusier est l'un des plus représentatifs du fonctionnalisme néerlandais. Autre exemple de ce style épuré: la Maison Sonneveld, réalisée en 1933 par les mêmes architectes, Brinkman et Van der Vlugt, pour un directeur de l'usine (Jongkindstraat 12). Du mobilier à la vaisselle, tout y est harmonieux, d'un luxe étonnamment sobre.
Museum park
Comme toutes les grandes villes néerlandaises, Rotterdam possède des musées remarquables. Plusieurs sont regroupés dans le Museum Park dont le Kunsthal, dessiné en 1992 par Rem Koolhaas( encore lui !), fameux pour ses rampes d'accès. Le musée n'a pas de collection permanente mais organise plus de vingt expositions par an (photographie, mode, design), destinées à un large public, "du plus élitiste au plus populaire". A voir et à revoir (jusqu'au 12 juin), "Etonnez moi! ", les formidables portraits de Philippe Halsman, l'inventeur de la jumpologie.
Musée Boijmans van Beuningen
Le Boijmans van Beuningen qui abrite entre autres trésors, " Les Noces de Cana " de Jérôme Bosch et la "Tour de Babel" de Breughel l'Ancien, n'a pas froid aux yeux. Envahi jusqu'à la fin de l'été par quinze jeunes artistes et designers basés à Rotterdam, de Koen Taselaar à Weronika Zielinksa (Project Rotterdam), le musée offre sa première exposition en solo à Ugo Rondinone. Artiste suisse vivant à New York, Rondinone a rassemblé plusieurs œuvres de sa série "Spectre des couleurs" et imaginé quarante cinq clowns grandeur nature, tous différents. Les visiteurs circulent au milieu des mannequins de "Vocabulaire de Solitude", (jusqu'au 29 mai), passifs ou vaguement actifs parfois sans réaliser que sous leur visage fardé de blanc, ces clowns sont de type afro-américain ou caucasien..
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Un chantier perpétuel
On ne manquera pas la visite du Markthal, ce curieux et gigantesque marché couvert en forme de fer à cheval qui abrite aussi des appartements. Tout récemment achevé, ce marché a été qualifié- un peu abusivement- de Chapelle Sixtine néerlandaise en raison des fresques représentant des légumes et des fruits qui ornent sa voûte.
Le Markthal
Le Markthal est proche des fameuses Maisons Cubes jaunes et grises de Piet Blom construites dans les années quatre vingt.
Les Rotterdamois attendaient le 15 mars avec impatience. A cette date, on a en effet découvert dans le bassin de Rinjhaven, une Forêt Flottante. Inspiré d'une installation de Jorge Bakker (des arbres minuscules à la surface d'un aquarium), le projet développé par la compagnie artistique Mothership a demandé trois ans d'études. Des bouées de sauvetage recyclées, contenant chacune un réservoir d'eau douce, abritent une vingtaine d'arbres: des ormes résistant à la fois à la houle et à l'eau salée.
On le surnomme Le Nuage. Dessiné par Rem Koolhaas, le nouveau Timmerhuis qui héberge bureaux municipaux, boutiques, cafés,restaurants, appartements et jardins suspendus,accueille aussi le Museum Rotterdam. On y découvrira bientôt le passé, le présent et le futur de cette cité à qui le monumental ne fait pas peur mais qui reste, paradoxalement, à taille humaine.
Schielblock, un immeuble de bureaux des années cinquante, longtemps déserté, a été réhabilité par le collectif de jeunes architectes ZUS. Son toit possède un jardin et une passerelle aérienne de bois jaune, financée de façon participative. Elle relie trois zones hier encore déconnectées.
C'est un projet a priori aussi fou que l'était celui de Gustave Eiffel. Le Dutch Windwheel promet d'être la nouvelle icône du port de Rotterdam. Conçu par l'architecte sud-africain Duzan Doepel et développé par Meysters et BLOC, ce très moderne moulin haut de 174 mètres, se compose de deux anneaux. L'anneau extérieur abrite 40 cabines progressant sur rail alors que l'anneau intérieur, fixe, abrite, lui un restaurant panoramique, un hôtel quatre étoiles et 72 appartements de luxe. Le Dutch Windwheel se veut LA vitrine des technologies de pointe, à la fois nouveau type de turbine à vent et générateur d'énergie. Rendez- vous en 2020- 2025.
Marianne Lohse
Pratique
S'informer
www.rotterdamcelebratesthecity.com
Y aller. Avec Thalys qui relie Paris-Nord à Rotterdam en à peine 2 heures 37, plusieurs fois par jour. A partir de 29€ www.thalys.com
Se loger. Situé dans De Rotterdam qui tient son nom d'un luxueux steamer, le nhow vous propulse en pleine skyline. La vue y est époustouflante. Perchés au septième étage, le bar et le restaurant sont le rendez- vous de tous les beautiful people. Wilheminkade 137. Tel : + 31 (0)10 206 76 00. www. nhow-hotels.com
Circuler. Avec la Rotterdam Welcome Card, pour 1,2 ou 3 jours (tarifs pleins: 11, 16 et 20 €). Gratuité des transports publics et réductions pour de nombreux musées, attractions et restaurants. www.rotterdam.info
Se restaurer. Thoms. Un nouveau restaurant doublé d'un café, situé dans Timmerhuis. Cet établissement à l'atmosphère chaleureuse incarne la nouvelle tendance: une nourriture de qualité, sans fioritures. Thoms draine une clientèle très mode qui apprécie les steacks de bœuf Angus et la bière Noordt, spécialement brassée. Meent 131. Tel : (0) 10 210 94 35.
Garage Rotterdam. Dîner agréablement au milieu d'oeuvres d'art : voilà qui n'est pas banal. Cette galerie a inauguré la formule avec le chef Laurence van Bergeijk dont la cuisine végétarienne, toujours saisonnière, fait un malheur. Trois plats accompagnés de vins soigneusement sélectionnés. Le prochain dîner est prévu pour le 1er avril. Quant à l'exposition en cours, Territorial Drift, elle se poursuit jusqu'au 1er mai, explorant les liens entre site, mémoire et histoire, à travers les photographies de Otobong Nkanga qui visite une mine abandonnée de Namibie. Ou celles de Irene Kopelman qui joue sur les nuances de vert des jungles de Malaisie. Goudsewagenstraat 27.Tel (0) 10 737 08 75.
Marianne Lohse
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