Escapade chez nos voisins : en Forêt Noire, le village aux étoiles

On vient ici en famille, respirer un air délicieusement pur, se détendre, randonner, jouer au curling, faire du ski de fond. L'atmosphère? A la fois cossue et discrète. La plus gemütlich des retraites se nomme Baiersbronn. A une heure et demie de route de Strasbourg, cette station (nous sommes dans le Bade-Wurtemberg) ne regroupe pas moins de neuf villages. Les Allemands y réservent leur chambre d'hôtel et leur emplacement de parking d'une année sur l'autre. Il faut dire que Baiersbronn collectionne les tables gastronomiques avec deux restaurants trois étoiles et un troisième, couronné de deux étoiles. Pas de coups de becs entre chefs mais une sorte de rivalité courtoise, consensuelle. L'établissement le plus renommé, le Traube Tonbach, appartient depuis 1789 à la famille Finkbeiner sur laquelle règnent Heiner Finkbeiner et sa femme, Renate. Leurs quatre enfants qui représentent la huitième génération, prendront la relève. On s'étonne qu'aucun écrivain, aucun cinéaste ne se soit encore emparé de cette success story: issu d'une longue lignée de boulangers, Heiner raconte volontiers, dans un français épatant, la légende de cet ancêtre qui, dans le sillage de Napoléon, franchit la Beresina, en gonflant des vessies de porc en guise de bouées.
 

Au Traube Tonbach, l'immersion est totale: serveurs et serveuses en costume souabe, trophées aux murs, boiseries sombres pour la taverne « historique» Bauernstube, embryon de ce petit empire hôtelier. Dans la grande bâtisse blanche de 130 chambres, un décor opulent mais sans tapage. Voulue par Renate, une nouvelle aile, Haus Kohlwald (23 chambres vastes, lumineuses, d'un style épuré) attire une clientèle plus jeune et trendy.

Etes- vous «textile» ou «non textile»? En maillot, vous choisirez le sauna de Haus Kohlwald. Amateur de sauna nudiste, vous opterez pour celui du bâtiment principal. Irrésistible, le spa dispense des soins délassants tels ces drainages aux pierres chaudes.

Mais sa réputation, le Traube Tonbach la doit surtout à sa table et à son chef, Harald Wohlfahrt, 59 ans, champion toutes catégories de la longévité: il détient trois étoiles au Michelin depuis… 1992 ! Son restaurant, le Schwarzwaldstube, est noté 19, 5 /20 au Gault et Millau. Modeste et peu disert (son homard grillé servi avec des blettes et de jeunes Pak Choi et son délice de chocolats Orizaba et Guanaja parlent pour lui), l'homme reste enraciné à Baiersbronn depuis quatre décennies. Il apparait peu à la télévision et n'est associé à aucune marque. Une image bien différente de celle véhiculée par certains chefs français! Tôt perfectionné dans l'Ain, à Mionnay, auprès d'Alain Chapel puis à Munich chez Eckart Witzigmann, Harald Wohlfahrt peut s'enorgueillir d'avoir, à son tour, formé les 60 chefs les plus créatifs d'Allemagne. On ne quittera pas le Traube Tonbach sans goûter aux fameux raviolis souabes, les maltauschen du Bauernstube et au sandre rôti du Köhlerstube concoctés par le jeune Florian Stolte. Il semble que rien n'ait été oublié dans ce paradis pour gourmands impénitents. Pas même au terme d'une balade solitaire, un chalet (de luxe) en rondins, la Blöckhutte, où vous attend une sublime tarte aux pommes.

Omble chevallier

Echappée à Baden- Baden

A une heure de route de Baiersbronn, c'est l'Allemagne romantique et charmante aimée de Gautier, Hugo, Brahms, Tourgueniev et Dostoïevski. Furtwängler y a son buste et Boulez sa maison. Le nom de la petite cité signifie « Bains de la Province de Bade».

Découverte par les Romains, son eau à 68° guérissait de leurs rhumatismes, dit-on, hommes et chevaux. Y flotte encore le souvenir de ce 29 mai 1968 où le général Massu, alors commandant en chef des forces françaises en Allemagne, accueillit De Gaulle et sa famille.

Ville haute, ville basse : il faut emprunter escaliers et ruelles pentues, visiter Friedrichsbad, le plus somptueux établissement thermal jamais construit avec ses coupoles ottomanes, son décor de marbre et de mosaïques, rêver, au Casino imaginé par un Français, de ces jetons d'or qu'utilisaient les joueurs, contempler au musée Frieder Burda les œuvres de Baselitz, flâner le long de l'Oos, une petite rivière affluent du Rhin, s'enivrer de musique à l'Opéra, une ancienne gare qui conserve encore sa billetterie ( «fahrzkarten»,en allemand) avant, épuisé, de s'écrouler sur une banquette pour savourer un de ces gâteaux crémeux dont la Forêt Noire a le secret. www.baden-baden.com

Pratique

www.baiersbronn.de

Hôtel Traube Tonbach, 72270 Baiersbronn in Schwarzwald. Tel : 00 49 (0)74424920
www.traube-tonbach.de