Escapade à Arras, ville martyre superbement relevée de ses cendres

En aura-t-elle connu des heures de gloire, de grandes fêtes, un train de vie de Belle Epoque, la capitale de l'Artois. Avant qu'un déluge de feu s'abatte sur la région entre 1914 et 1918... En cette annnée de commémoration de la Grande Guerre, il faut aller visiter Arras, flâner sur ses places, monter au Beffroi et, bien sûr, visiter les lieux de mémoire pour comprendre ce qui s'est passé, descendre dans les souterrains creusés par les tunneliers néo-zélandais, se recueillir sur les tombes des soldats parfois très jeunes, français, alliés, allemands, tombés sous la mitraille d'une guerre absurde. Une escapade à Arras sera tout à la fois chargée d'émotion,  passionnante pour les férus  d'Histoire, et formidablement agréable, tant il est vrai que les arrageois savent accueillir le visiteur dans leur cité reconstruite.

Reportage : Guy Riboreau ©

 

 

Un conseil : commencez par le Beffroi qui surplombe l'Hôtel de ville reconstruit, presque à l'identique, style gothique, boiseries, sculptures, fresques. Vous y serez accueillis dans le hall par Colas, Jacqueline et Dédé, les Géants du Pays d'Artois qui sortent pour les fêtes.

 

 

 

Le style gothique, réadapté pour tenir compte des nécessités de la vie moderne, se retrouve partout dans cet Hôtel de ville qui est une réplique de celui existant avant les ravages de la guerre 1914-1918.

 

 

L'Hôtel de ville et la place des Héros après le bombardement de 1915

 

Qui l'eut cru ? Le piéton chemine dans une ville qui, grâce aux dommages de guerre et à une volonté constante de la faire renaître, a retrouvé son style, son charme fait de façades flamandes, d'églises anciennes restaurées. Une cité aérée qu'il faut appréhender du haut du Beffroi avant de flâner dans les ruelles alentour.

 

Place des Héros et ses élégantes façades

 

Si le regard se tourne légérement vers la gauche, c'est la Grand Place qui apparrait avec ses mêmes façades de style flamand (imposé paradoxalement par les espagnols quand ils administraient les Flandres à la suite de l'abdication du pouvoir de Charles-Quint sur ces régions au profit de son fils Philippe II d'Espagne...).

Tout autour des deux places, bistrots, restaurants, commerces en tous genres attirent le chaland et le quartier invite à la flânerie...

S

 

Après cette balade, il faut s'enfoncer dans les petites rues derrière l'Hôtel de ville.
Sait-on que Robespierre était natif d'Arras où une ruelle et un lycée portent son nom.

 

 

Passant devant la maison natale de ce politicien intransigeant, le promeneur dirigera ses pas vers le superbe Musée des Beaux-Arts installé dans l'ancienne Abbaye bénédictine Saint-Vaast à quelques centaines de mètres de là. L'abbaye avait été fondée au VIIè siècle. Ses bâtiments, d'une grande élégance, ont connu diverses architectures avant d'être reconstruits au XVIIIè, de souffrir d'un bombardement en juillet 1915 et d'une rénovation en 1924. Ils abritent de belles collections de peintures, sculptures, céramiques et poteries, du Moyen-Age au XIXè.

 

 

Une grande salle est consacrée à des peintures de grands formats : la salle des Mays

 

 Présentation de la Vierge au Temple, de Philippe de Champaigne

 

Claire en France reviendra prochainement sur les richesses de ce Musée des Beaux-Arts d'Arras.

22 rue Paul Doumer

03 21 71 26 43

www.arras.fr

Derrière ce beau musée, à contourner sur la gauche via un petit jardin, le promeneur trouvera la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Vaast, ancienne abbatiale, qui jouxte le musée et la biblitohèque. Un bâtiment austère qui a beaucoup souffert des bombardements sur Arras. Le toit en fut arraché, la nef éventrée.

 

 

Une belle reconstruction qui dura 14 ans, à partir de 1930

 

Retour vers l'Hôtel de ville où se situe l'Office de Tourisme qui vous permettra d'accéder - moyennant un droit d'entrée - aux Boves. Ce terme désigne les multiples souterrains qui s'étendent dans tout le sous-sol de la ville et de sa banlieue. Les souterrains sont nés du besoin de craie pour construire les édifices d'Arras. Ils se visitent et constituent un imposant réseau qui relie les différents quartiers et qui ont été très utilisés comme abris pendant les conflits, notamment en 1917 lors de la Bataille d'Arras.

http://www.arras.fr/tourisme/office-de-tourisme/les-boves.html

 

C'est ensuite, en visitant "La carrière Wellington" dans le faubourg sud de la ville, que l'on s'aperçoit de l'utilité des Boves.  Nous sommes en 1916. La guerre contre les troupes allemandes fait rage et le front se déplaçant vers l'ouest a atteint Arras. Les Alliés  (France, Royaume Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, principalement) peinent à repousser l'ennemi vers l'est. Le commandement britannique en charge du secteur a alors l'idée d'utiliser ces boves en les prolongeant vers le sud et l'est pour y cantonner quelque 24 000 soldats et, le moment venu, les faire sortir sur la ligne de front et bénéficier de l'effet de surprise.

 

 

Des sapeurs néo-zélandais chargés de ce travail de percement à la pioche, prolongent alors les boves, aménagent des petites salles. Un travail éreintant à 20 mètres sous terre avec une température constante un peu fraîche : 11°.

 

 

 

Les boves deviennent un lieu de vie pour des milliers de soldats  qui doivent s'habituer à cet enfermement dans une vaste caserne souterraine. Jusqu'au 9 avril 1917 à 5h30 du matin où ils ont reçu l'ordre de monter au front tout proche par les escaliers taillés dans la craie. La surprise est totale pour les troupes allemandes. Mais le choc est sanglant et la bataille fera des milliers de morts dans les deux camps.

 

 

Un escalier vers la sortie

 

En visitant ce Mémorial de la Carrière Wellington, on ne peut qu'être profondèment ému par le sacrifice consenti par ces milliers de combattants, certains très jeunes, pour tenter de mettre fin à une guerre sanglante, une "boucherie" diront des historiens. Le meilleur équipement des troupes allemandes, des graves erreurs du commandement (français notamment), ont transformé les plaines et collines de l'Artois et de la Somme en champs de cadavres et de ruines.

Une visite à Arras ne peut se faire sans aller se recueillir dans les nombreux cimetières qui entourent la ville. Devoir de mémoire oblige.

Le Cimetière britannique et du Commonwealth, boulevard du Général de Gaulle, en périphérie de la ville. Il y a là 2652 tombes de soldats venus de très loin pour nombre d'entre eux

 

Le lieutenant O'Keffe avait 20 ans quand il a été tué au front le 19 mai 1917

 

 Le mur d'enceinte, lui, porte les noms de 35 928 combattants dont les corps n'ont pu être retrouvés... Les familles des disparus viennent fréquemment déposer une gerbe. Ici des coquelicots, symboles du caractère sanglant de cette guerre.

 

 

Soldat Arthur Lane tué le 8 mai 1917

 

Il est bien d'autre cimetières autour d'Arras : celui, immense, de Notre Dame de Lorette. A l'occasion des commémorations du 11 novembre 2014, un mémorial comportant les noms de 600 000 soldats tués pendant cette guerre y sera inauguré.

Colline de Notre-Dame-de-Lorette, 62153 Ablain-Saint-Nazaire 03 21 45 15 80

 

 40 051 soldats reposent ici (19 000 tombes individuelles et 8 ossuaires).

 

L'une des tombes : celle du lieutenant-colonel Maxime d'Epenoux,

11è Dragons, tué le 10/10/1914

 

Dans une crypte, sous la tour-lanterne qui domine le cimetière, se trouve le principal ossuaire contenant les restes de combattants tués sur cette colline. Au sommet de la tour, la lanterne tourne chaque nuit, phare rappelant le caractère tragique du lieu.

 

 

 

 

Dans la chapelle ardente de la crypte, 32 cercueils contiennent les restes de soldats inconnus tombés lors des différentes guerres françaises du XXè siècle.

 

 

Le cimetière de Notre Dame de Lorette, plus grande nécropole nationale française, est gardé par d'anciens combattants qui se relaient constamment.

 

 

 

Autres lieux de mémoire : le Cimetière allemand et le Parc commémoratif national du Canada. Le premier se situe à La Maison Blanche, Saint-Vaast et abrite les corps de 44 833 soldats tombés en Artois...

 

 

Si à Saint-Vaast on était en terre allemande, à Vimy, le visiteur entre en terre canadienne. La crête était un point névralgique du système de défense allemand qui l'avaient fortifiée. A l'aube du 9 avril 1917, quatre divisions du Corps d'armée canadien appuyées par la 5ème Division britannique donnérent l'assaut. En 2 jours, la crête était prise. Non sans un coût énorme en vie humaines : 3598 morts chez les canadiens, 10 602 victimes en tout. En 2 jours...

 

 

 

 

Dans ce joli bois le long de la Crête de Vimy donné par la France au Canada, les tranchées (consolidées) sont encore visibles, les trous d'obus aussi..

 

 

Là également, le sang a coulé en abondance. Un petit espace muséographique expose photos et objets de ces soldats canadiens tombés le 9 avril 1917 quand, aidés par des Britanniques, ils prirent d'assaut cette crête de Vimy alors aux mains des allemands.

 

 

Soldats canadiens ramenant des blessés vers l'arrière

 

 

Au sommet de la crête, surplombant la plaine et ses terrils, un imposant monument monte la garde pour rappeler qu'ici beaucoup d'hommes ont perdu la vie. Les noms de 11 285 soldats canadiens sans sépulture connue sont gravés sur le mur d'enceinte du monument.

 

L'Artois en compte des dizaines de ces lieux de mémoire. Dans le petit village de Bullecourt complétement rasé en 1917, Jean et Denise Letaille ont constitué un petit musée plein d'objets recueillis aux alentours et ils rendent hommage, photos à l'appui, aux soldats australiens tombés aux alentours du village.

1 bis rue d'Arras Bullecourt

 

 

Deux tués côte à côte : 1 australien, un allemand. Une terrible illustration de l'absurdité de la guerre

 

En cette année 2014, Arras et sa région commémorent en 5 étapes les événements d'il y a 100 ans en tenant compte de la réalité historique de la ville. Tous les détails sur le sité dédié : www.arras1418.com

 

Si l'on ne peut rester indifférent, lors d'une escapade à Arras, à tout ce lourd passé,  la ville a su renaître de ses cendres et elle offre aujourd'hui au visiteur un visage aimable qui en font une destination touristique intéressante.

 

La vie y a repris ses droits depuis longtemps, même si du côté de la Citadelle construite par Vauban de 1668 à 1672, les murs des fusillés de l'autre guerre, la Seconde, nous rappellent que la cruauté des hommes n'a pas de limites.

 

 

Informations pratiques

Se renseigner : Office de Tourisme, Hôtel de Ville, 03 21 51 26 95,

site : www.explorearras.com  Courriles : contact@explorearras.com

L'Office édite un Guide pratique qui l'est effectivement car, outre les lieux d'intérêt et les événements dans la ville, il recense hôtels, restaurants, bars, taxis, etc.

Retenons sur la Grand Place, n°56 : L'assiette au boeuf pour ses grillades et ses salades composées : 03 21 15 11 51

En dehors d'Arras, à Notre Dame de Lorette à l'entrée de la petite route qui mène à la nécropole : L'estaminet de Lorette vous régalera de plats locaux dans un cadre sympathique. Ablain Saint-Nazaire Tél. : 03 21 45 29 07

 

 

 

 

 

Créé le : 31/03/2014 - Mise à jour : 06/06/2014
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